« Les apparences sont parfois trompeuses, » avait-on dit. Il est si aisé de rappeler ce dicton, lorsque la situation s'y prête, néanmoins qui pourrait prétendre avoir acquis cette notion ? Personne. Depuis notre plus jeune âge, nous nous complaisons dans l'image que nous reflétons, et nous jugeons ceux qui ne cadre pas à l'idée que nous nous faisons de la normalité. Notre perception du monde est bercée par des normes, et si une personne se démarquait en imposant les siennes, les critiques tombaient et un rejet s'appliquerait. Car l'Humanité est ainsi, la différence ne l'intéresse pas, Elle la repousse comme un virus mortel. Et c'est pourquoi à vos yeux, je resterais toujours cette femme en décalée, celle qui impose ses règles, méprisant les vôtres, et rejetée par la société.

Je restais droite et tranquille, tandis que maman m'habillait d'une charmante robe que nous avions acheté la veille. J'aurais très bien pu le faire seule, mais elle désirait le faire elle-même et je n'avais pas envie de la contrarier si cela lui faisait plaisir. C'était mon premier jour d'école aujourd'hui, et si j'étais moi-même anxieuse, mes mamans l'étaient deux fois plus que je ne pouvais l'être. Je ne savais pas d'où provenait cette angoisse qui nous habitait toutes les trois, néanmoins je devinais que ma nervosité était vraisemblablement déclenchée par celle de mes maternelles. Après quelques instants, elle lissait le plis du tissu : selon elle, je devais être parfaite aujourd'hui. J'ignorais la raison de cette succession d'attentions particulières qui avaient débuté dès mon réveil, néanmoins le sérieux qu'affichait maman me désarçonnait : et pourquoi donc, devais-je être parfaite ? Ne pouvais-je pas être simplement comme d'habitude ? « Tu apprendras ma chérie, que dans ce monde, on ne peut pas être simplement soi-même. » avait-elle doucement répliqué en me gratifiant d'un sourire indéchiffrable, alors qu'il me semblait m'égarer dans son explication. Du haut de mes six ans, je ne saisissais pas la mesure emplit de sagesse de ses paroles. Néanmoins, elle resta gravée dans ma mémoire comme étant ma première leçon, pour arpenter paisiblement le pavé de la société. Lorsque nous sortions dans les rues de Glasgow pour nous rendre à l'école du quartier, je sentis des regards peser sur moi. Et il me semblait que des chuchotements s'élevaient sur notre passage. Je tenais fermement les mains de mes mamans, qui m'accompagnèrent jusqu'à l'entrée et alors que je déposais une bise sur leurs joues si douces et nichait mon petit nez dans leurs cous parfumés, je sentie quelque chose brûler ma nuque. Tandis que je me redressais, je vis des hommes et des femmes fixer mes mamans, en chuchotant des messes basses que je ne pouvais percevoir. C'est à cet instant que je compris ce que maman avait souhaité m'apprendre : les normes nous empoisonneraient la vie. « Et pourquoi tout le monde juge, maman ? » demandais-je soudainement, la mine soucieuse et réellement inquiète. Oui, pourquoi tout le monde émettait des jugements, sans connaître les données susceptibles d'étayer leurs raisonnements ? Mes mamans échangèrent un regard embarrassé, comme elles le faisaient toujours lorsque je posais une question trop précoce pour mon si jeune âge. « Parce que ma chérie, les gens ne comprennent pas que l'amour se présente sous différentes formes, et que celui qui unis deux femmes, peut-être aussi beau que celui d'un couple constitué de deux parents différents. Ils ne comprennent pas que l'important dans la vie, c'est d'aimer sans compter. » Je regardais une nouvelle fois autour de moi, dévisageant c'est étranges personnages qui m'apparaissaient comme étroits d'esprits, trop différents de nous. Néanmoins, je comprenais la leçon et d'un sourire mêlant naïveté et pure provocation, je scellais la promesse de ne pas tomber dans le même piège qu'eux.
« C'est vrai que tu as pas de papa ? » demanda une voix curieuse, à ma gauche. Je venais à peine de m'asseoir sur ma chaise, mon petit sac d'école posé à mon côté et les plis de ma jupe parfaitement ajustés sur mes genoux. Assise près de moi, une petite fille de mon âge aux traits que je devinais foncièrement capricieux, - comme si elle avait pris l'habitude de froncer les sourcils - me dévisageais avec une curiosité malsaine qui me mis mal à l'aise. Je m'accordais un bref instant de réflexion, comme à chaque fois que l'on me posait une question : je n'avais jamais apprécié de répondre impulsivement, sans avoir soigneusement médité sur mes paroles. C'était quelque chose qui m'apparaissait comme stupide et malgré mon jeune âge, je savais parfaitement que je n'étais pas simple d'esprit. « Tout le monde a un papa. » répliquais-je finalement, ne m'épanchant pas plus sur un sujet que je ne connaissais que trop mal. Qu'aurais-je pu ajouter d'autre à ma voisine ? Certes, objectivement j'avais un papa, comme toute personne présente sur cette Terre. Ainsi allait l'ordre naturel des choses. Subjectivement, je n'en avais aucun. Celui qui m'avait donné la vie n'était à mes yeux, rien d'autre qu'un géniteur que je n'avais jamais eu le loisir de connaître, car il ne s'était jamais manifesté dans ma vie. Mes mamans m'avaient simplement affirmé que c'était un monsieur bourré de charme et que j'étais un enfant de l'amour. Un enfant que sa compagne et elle, avait ardemment désiré et je m'appliquais à comprendre ce qu'elle souhaitait m'apprendre par cela : puisque techniquement parlant, l'une d'entre elles n'avait aucun lien de sang avec moi, si ce n'est ceux du coeur. Cela m'était égal, au fond. Je les aimais et c'était tout ce qui importait. « Il est où ton papa ? » poursuivit-elle sur sa lancée. Une mine songeuse s'installa sur mes traits alors que je tentais vainement de m'ouvrir à ma nouvelle camarade : ses questions me semblaient dépourvues de réponses, ou ces dernières m'importaient si peu que je n'y avais jamais réellement prêter attention. « Je ne sais pas ... » répondis-je, en fronçant les sourcils. Je m'aperçus que cette interrogation ne m'avait encore jamais traversé l'esprit : mon papa pouvait se trouver en Angleterre, en Amérique, en Irlande, aussi bien qu'il pouvait loger au coin de notre rue. Près ou loin, je n'avais jamais eu le désir de connaître son lieu de résidence. Me mordillant nerveusement la lèvre, je m'aperçus que ma voisine m'observait d'un regard méchant, comme si elle n'attendait qu'une seule chose : l'occasion de me lancer une parole au trait mortel, qui ferait mouche, pour ensuite me dévorer et se repaître de ma peine. La cruauté d'un enfant à l'encontre d'un autre est bien plus terrible que celle d'un adulte. Elle n'a pas de limite, et la conscience ne distingue pas encore le bien que l'on peut prodiguer à une personne en évitant soigneusement certain sujet, du mal que l'on pourrait rependre en un seul regard. Et les blessures qui nous accompagnent toute une vie, sont celles que l'on reçoit lors de notre enfance. « T'es bizarre ! » J'entrouvrais mes lèvres carmins tandis qu'une expression peinée mêlée à l'indignation se dessinait sur mon visage enfantin. « C'est pas vrai ! » m'indignais-je. Une sorte de puits sans fond se creusait soudainement, au plus profond de moi-même. Des courants d'airs s'extirpant de l'ouverture béante, faisant ressurgir des émotions qui s'exprimèrent en naissant dans mes prunelles à l'océan ombrageux, glissant sur mes joues avant de mourir sur mes lèvres tremblantes. Les yeux de ma voisine s'écarquillèrent soudainement, et avant que je ne comprenne l'origine de sa frayeur, je m'étais levée brutalement sans m'en apercevoir, obéissant à l'inflexion que me causait ma peine. Je me tenais si proche, les poings serrés, frémissante. Un hurlement plus tard, la petite blonde me pointait de son petit doigt et je me sentis la cible des trentaines de regards qui m'apparurent comme des embuscades, envers une bête traquée : moi. « Elle m'a fait mal ! » cria-t-elle. Craquant, je me levais faisant tomber mon encrier sur mes vêtements neufs et m'échappant de la petite salle de cours : aujourd'hui, je m'étais révélée l'imparfaite petite fille, qui aurait vendue son âme au diable pour être comme les autres ou au mieux, être invisible.

Jean-Paul Sartre a dit un jour : « L'Enfer, c'est les autres. » Quels ont été les événements de sa vie qui l'ont suffisamment marqué pour qu'il déclame pareille ineptie ? Je n'en sais rien. J'ai seulement conscience que mon opinion diverge considérablement de la sienne et que si je devais reformuler cette citation si célèbre à présent, le résultat serait le suivant : « l'enfer, c'est nous coupé des autres. » Ce fut le sujet d'une de mes dissertations pour mon professeur personnel qui venait chaque jour me donner des leçons à domicile. Depuis l'âge de sept ans, à la date précise où mon géniteur était venu pour m'emmener loin, il me semblait n'avoir jamais été autrement que confinée entre quatre murs, comme un trésor trop précieux pour que l'on ose l’exhiber trop longtemps aux regards brûlants de convoitise du monde, de peur qu'il perde de son éclat et de sa valeur. Ou encore, comme une honte dissimulée avec soin, mais je n'osais m'attarder sur ce point de vue quelque peu déplaisant, puisque blessant. Depuis que mon père m'avait inclus dans cette petite famille, il s'était montré mille fois plus protecteur à mon encontre que n'importe qui d'autre. Du moins, jusqu'à ce qu'un doute ne plane au-dessus de ma tête en ce qui concernait mes dons pour la magie qui ne se manifestaient point. Il m'avait dit d'effectuer ses instructions, que cela s'arrangerait. C'est toujours ce que disent les adultes lorsqu'ils perçoivent de mauvais présages. Quant à moi, j'ai toujours apprécié de n'avoir qu'à suivre ce que l'on me dictait, cela me paraissait certes contraignant, mais d'une simplicité bien plus jouissive. J'avais obéis. Pourtant, jamais je ne devins une sorcière. J'avais je ne devins ce que l'on attendait visiblement de moi. Et si dès lors l'absence de mon paternel se confirma de plus en plus, je conservais cette joie de vivre intérieur qui s'embrasait chaque jour, comme si ce brasier de vie ne pouvait s'éteindre sous pareille déception. Je me consolais de la compagnie de ma voisine, qui me tenait régulièrement compagnie lorsque j'étais seule à la maison et qu'il fallait surveiller ma cadette. Je savais pourtant que ce cocon de douceur et de tendresse, je devrais le quitter tôt ou tard. Mais à mes yeux, le plus tard serait le mieux. J'aurais pourtant intimement souhaité ne pas me sentir si exclue du monde extérieur, du monde magique auquel j'étais censée appartenir : être mise à part est une torture bien plus profonde qu'il ne soit possible d'imaginer, du moins lorsque l'on n'en a pas vécu l'expérience. La seule personne que je pouvais espérer compter parmi mes amis, n'était autre que ce charmant professeur gallois qui suivait mes progrès depuis une petite année déjà, m'observant évoluer du rang de simple enfant à presque adolescente. Et la première chose qu'un observateur avisé comme lui pouvait noter ? Ma naïveté. Je n'avais que trop peu connu ce monde, il m'était devenu étranger, voire effrayant. Je me complaisais en terrain familier et n'osais pas dépasser les limites que l'on m'avait imposé. Une part de moi-même aurait aimé être capable de s'affranchir, mais cette voix était si faible que je n'avais que trop de mal à la distinguer parmi les plaintes de mes craintes.


Je me regardais dans le miroir, assise sur la petite chaise de velours placée face à la coiffeuse. Je venais d'effacer les dernières traces de maquillage avec lequel je m'étais amusée lors du déjeuner. L'heure n'était cependant plus à l'amusement, comme mon emploi du temps le précisait chaque jour. Consultant ma montre, je me levais tranquillement pour me tenir près de la porte, attendant avec impatience l'arrivée de mon professeur qui désormais, ne devrait plus tarder. S'il y avait bien une capacité que l'on pouvait me reconnaître, c'était bien mon intarissable curiosité envers tout et n'importe quoi, tant que là où un enfant de mon âge interprétrait ses cours comme une corvée, je l'optimisais simplement en une chance de m'instruire et de compléter mes connaissances que je jugeais trop limitées. C'était étonnant de penser ainsi lorsque l'on a que dix ans, néanmoins je n'avais pas le moindre modèle pour me faire réaliser l'étrange habitude qui était la mienne, je me calquais seulement sur ce que j'idéalisais. Je n'avais jamais le sentiment de faire assez. Alors je faisais toujours plus. Si bien qu'inconsciemment, je ne faisais que repousser le niveau toujours plus haut dans ses retranchements. Je m'interrompis dans mes pensées lorsque la sonnette de l'appartement anglais retentis et ma main reposant déjà sur la poignée actionna celle-ci pour l'entrouvrir. Le visage amical de l'instituteur apparut dans l'entrebaîllement de la porte. Je lui adressait un magnifique sourire et l'invitais à entrer, ne me départissant pas de la politesse excquise qui me caractérisait tant. « Bonjour Monsieur Pierce, » dis-je, radieuse. Comme à l'accoutumée, nous nous installions dans le salon, sur la large table de chêne longeant la baie vitrée baignée de soleil à cette heure de l'après-midi. Je l'observais de mes prunelles émeraudes, alors qu'il sortait de son attaché-case divers trieurs de différentes couleurs dont il extirpa des copies noircies d'une écriture que je reconnue comme étant la mienne. « Tu as fais de l'excellent travail Bonnie » dit-il avec un petit sourire. Poussant une petite exclamation de joie, j'attrapais les feuilles qu'il posait devant moi, colorées de rouge et de notes que je jugeais plus que favorable. Après un instant, il croisa les bras d'un air pensif et me dévisagea. Je n'aimais pas cela, si bien que lorsque je m'en aperçue, je piquais un far et baissais légèrement les yeux. « Dis-moi Bonnie, pourquoi n'es-tu pas allée dans une école, avec les autres ? » me demanda-t-il. Je devinais que cette question n'était pas posée au hasard - il n'y en avait jamais, avec lui - et je me mordillais la lèvre inférieure, anxieuse parce que cette logique là, je ne la comprenais pas toujours.« Parce que je suis différente. » répondis-je, avec un brin d'hésitation qui fit sourciller mon instituteur. « Il n'y a pas de mal à être différent. L'originalité est d'autant plus exquise, lorsqu'elle est appréciée à sa juste valeur, le sais-tu ? » s'enquit-il, un sourire en coin chaleureux m'étant destiné. « Le problème monsieur, c'est que l'originalité n'est pas appréciée à sa juste valeur, comme vous dîtes. Elle est tout bonnement détestée. » fronçant les sourcils, j'ajoutais « On me déteste. » Un air étonné se peignit sur le visage de Mr Pierce alors que je me rendais compte que je pensais profondément mes paroles. Était-ce pour cela, que je désirais si ardemment rester auprès des seules personnes qui me témoignait de l'affection ? Je sentie mon coeur se serrer violemment dans ma poitrine. « Et puis-je savoir de qui ? » demanda-t-il, sincèrement intéressé. Je me figeais et un instant de silence s'imposa. « Des autres ! » m'exclamais-je abruptement, après un court instant. Le regard de mon professeur brilla un moment et après s'être accoudé à la table, il me regarda avec la sagesse la plus précieuse du monde au fond du regard : « Écoute bien la leçon d'aujourd'hui Bonnie. Plaire à tout le monde, c'est plaire à n'importe qui. Le plus important jeune fille, c'est que tu te plaise à toi-même et le regard des autres ne devrait pas influencer la perception que tu as de ta personne. Tu as peur d'être montrée du doigt. Le meilleur conseil que je puisse te donner à présent, c'est de vivre ta vie selon tes propres souhaits, car si tu te préoccupes des jugements que l'on pourrait avoir à ton égard, tu ne te contentera que d'exister. Vivre, exister. Deux notions bien distinctes, jumelles et pourtant complètement différentes. » Je m'abreuvais de ses paroles, comme pour calmer la soif de mon âme asséchée. Je m'apercevais à présent que j'étais tombée dans un piège qui s'était lentement refermé sur moi : je n'avais jamais porté de jugement sur les autres. Mais je n'avais pas cessé de me critiquer moi-même et de m'enfuir pour ne plus supporter mes critiques personnelles face aux regards des autres. Cette prise de conscience me donnait matière à réfléchir, et me déconcertait par la même occasion. « Soit toi-même, tout simplement. » ajouta-t-il, survolant mon silence. Mes pensées se tournèrent vers une toute autre leçon, bien ancienne et qui résonnait dans douloureusement dans mon esprit : on ne peut pas vivre en étant simplement soi-même. Était-ce un défi que j'allais m'imposer ?


La magie est un art qui m'a toujours fait rêver. J'étais une artiste privée de pinceau et je ne pouvais qu'admirer les œuvres de mes compatriotes avec la désagréable sensation que tout un monde m'échappait et que ma vie entière serait vécue à travers la prunelle d'un autre. Longtemps, j'ai crié haut et fort que la sorcellerie ne représentait rien pour moi. Son faux-bon m'avait privé de l'affection de mon père et m'avait dédié une envie dévorante envers les dons précoces de ma cadette. Quelque chose me manquait cependant. Il y a toujours eu une tâche sombre dans mon esprit qui ne s'est jamais éclaircie. Ma vie aurait peut-être été différente si j'étais restée avec mes mères en Écosse. Je n'aurais pas eu à subir quelconque complexe, puisque j'étais intimement convaincue qu'elles étaient moldues. Qu'étaient-elles devenues ? Je l'ignorais. Ou du moins, je n'avais que la version mitigée que mon père m'avait donné lorsque je lui avais posé la question pour la première fois. J'étais pourtant contrainte de m'en contenter, puisque je ne conversais nuls souvenirs de cette époque si reculée. Black out total.

Je sortis de la maison, une veste légère jetée sur mes épaules et la bise nocturne vint caresser mes pommettes d'ivoires. Après avoir déclaré à mon père ainsi qu'à sa femme que j'envisageais le poste de concierge à Poudlard, ces derniers s'étaient divisés en plusieurs réactions distinctes ; mon père s'était levé d'un bond, en grognant « tu crois que c'est à ça que je te destinais en te payant tant de cours ! tu crois vraiment !? » Je suppose qu'il n'était pas spécialement ravis d'apprendre que sa fille, en plus d'être une cracmolle, décidait à présent de se mettre au rang d'elfe de maison. Mes lèvres se pincèrent à ce souvenir et je baissais un instant les yeux vers mes pieds, une mauvaise habitude qui me conférait toujours des rencontres chaotiques ou des maladresses douloureuses. Ma belle-mère avait posé une main sur ses lèvres minces, horrifiée. Quant à ma cadette, habituée à mes extravagances, avait décidé de faire la sourde oreille. J'aimais cette petite. Je me rendais vers le centre-ville pour m'offrir un chocolat chaud, lorsque comme cela était prévisible, je percutais quelqu'un. Je grimaçais en tombant sur le sol, le bas des reins affreusement endoloris par le gravier. « Aoutch, » dis-je en replaçant mon bonnet sur mes cheveux de feu. Je levais mes rétines boisées vers l'inconnu avant de reconnaître soudainement un ami que je n'avais pas retrouvé depuis l'enfance. Il m'aida à me relever par galanterie et sa main secourable me fut bien utile. « Ça va, rien de cassé ? » demanda-t-il, les sourcils froncés en une mine inquiète. « Mes fesses ont connus pire, » répondis-je avant de m'intéresser davantage à lui. Je passais l'heure suivante en sa compagnie, apprenant qu'il faisait désormais de grandes études magiques et qu'il allait se fiancer. « Et toi ? » s'enquit-il au bout d'un long moment. « Moi ? » répondis-je en haussant un sourcil. « Je vais être concierge à Poudlard. » Un silence s'immisça entre eux. Je sentis mon coeur battre à tout rompre dans ma poitrine, comme si je craignais de restituer la glace entre nous au lieu de la briser. Il hésita un instant avant de dire, « Curieux ... » Je me sentais soudainement atrocement mal à l'aise. Curieux ? Bizarre ? Que voulait-il dire ? « Tu as toujours été étrange, Bonnie. » ajouta-t-il. Mon souffle se coupa dans ma poitrine alors que je relevais, craintive, mes yeux émeraude vers mon ami. Ce dernier me dévisagea, puis me gratifia d'un magnifique sourire. « Mais on t'aime comme ça ! ». Je pus respirer plus librement.

Les amis sont sûrement une des richesses les plus inestimables du monde à mes yeux. S'en faire de nouveaux, s'est s'enrichir de nouveaux trésors, tout en s'exposant au risque de perdre notre avarice amicale, part des déceptions. La crainte a la vie dure : je la surmonterais, comme toutes les autres. Pour se faire accepter des autres, il faut avant tout apprendre à s'accepter soi-même. leçon bonnie j. bridges