Let's have a drink.

The XX, Crystalised.

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X – Une coupe de champagne, s’il vous plait.

Jeffree hocha la tête avant d’aller attraper une coupe et d’y verser élégamment la boisson. Souriant il tendit le verre à la femme avant de lui indiquer la caisse pour régler sa commande. Toujours aimable et discret, au fond de lui il pestait. Quand son chef lui avait parlé d’un gros évènement il s’était plutôt imaginé une énorme rave party, avec de la bonne musique et des lumières ahurissantes qui rendraient la nuit insignifiante. Quelque chose de vivant, où les clients demanderaient quelque chose de plus qu’une coupe de champagne ou un verre de scotch. Au lieu de ça il se retrouvait dans une soirée de vieux bourgeois londoniens, aussi insupportables les uns que les autres. Monsieur avec sa veste de tweed et Madame avec le manteau de fourrure en hermine.
C’était l’entracte. Jeffree attrapa la bouteille de Glenlivet et versa la boisson ambrée dans un verre avant de le tendre à un homme qui lui faisait face. Alcoolo’. Heureusement que la soirée était bien payée. Plus loin, un vieil homme agita un bras pour se faire remarquer. Jeffree, crispé, claqua des talons « Je vous écoute Monsieur ». Mon Dieu, la soirée allait être longue…

*

G – T’as quel âge ?
J – Pourquoi ?
G – T’es sûr d’avoir l’âge légal pour servir les boissons que tu prépares, toi ?
J – Y’a pas d’âge pour servir un verre de scotch…
G – Ouais mais par contre les petits verres que tu te sers en douce, je ne crois pas qu’ils soient écrits dans ton contrat.

Le sang de Jeffree se glaça. Il était un peu plus de vingt-trois heures et le spectacle était terminé depuis une bonne quarantaine de minutes. Les spectateurs s’étaient assis au bar encore quelques instants avant de retrouver le chemin de leurs foyers. Il allait bientôt devoir se mettre à ranger et s’était donc autorisé un petit mélange pour se donner du courage. C’était sans compter qu’on le démasque aussi facilement. Le gars qui lui parlait devait avoir la vingtaine, des traits fatigués et un sourire au coin des lèvres. C’était lui, le mec du spectacle, le « magicien Gregory Malkins ». Magicien…

G – C’est bon détend-toi. Alors, qu’est-ce que tu me sers ?
J – Bah vu le choix qu’on a ici… Vous êtes plutôt whiskey ou champagne ?
G – Surprend-moi.

Super. Ok mon gars, c’est parti. Jeffree s’éloigna un instant et se mis à fouiller parmi les bouteilles. Heureusement qu’il avait embarqué son petit stock perso : d’une main avisée il attrapa la Cachaça et s’afféra au mélange. Citron, sucre de canne et petit mélange perso directement tiré de l’industrie sorcière (il ne s’en séparait jamais)… Un verre, l’alcool et le tour était joué. Si avec ça le magicien ne lui foutait pas la paix…

G – Non mais sérieusement, tu devrais pas être en train de faire tes devoirs au chaud chez toi ?
J – J’ai fini l’école.
G – Surdoué ?
J – Plutôt marginal.
G – Un marginal en costume qui sert de l’alcool à la bourgeoisie londonienne ?
J – Pas l’choix.
G – Tu crois à la magie ?

Jeff sourit. S’il savait. Il continua à ranger le bar, ignorant Malkins. Bientôt minuit. Il n’avait qu’une envie, s’enlever ce putain d’nœud papillon et ouvrir une bouteille de bière fraiche. Le magicien réitéra sa question.

J – Bof.

Malkins sembla satisfait de cette réponse. Il sortit un trousseau de clés de sa poche et le posa sur le bar.

G – Alors j’ai toute la soirée pour te convaincre. Regarde gamin, on est les deux derniers, tous les autres sont déjà partis. Me dis pas que tu te refuserais deux trois tours de magie ?

« Gamin ». Venant d’un mec qui devait avoir à peine entamé la vingtaine cela sonnait bien faux, mais Jeff ne dit rien à ce propos. Il se regarda discrètement autour et ne put que constater que le « magicien » avait raison. Toutes les lumières étaient éteintes, à part autour du bar. Ils étaient seuls.

J – Ok. Vas-y sors le grand jeu.
G – J’ai combien de temps ?
J – Toute la nuit.
G – Personne ne t’attend à la maison ?
J – Non.
G – Même pas une petite copine ?
J – Non, je suis trop con.
G – Dix-huit !
J – Quoi ?
G – C’est ton âge. Je me trompe ?

Tu m’soules. C’est vrai quoi. C’était qui ce mec débarqué de nulle part et qui commençait à lui poser des questions sur sa vie ? Jeffree ne répondit pas – encore une fois – et commença plutôt à se servir un verre. Laissant Mr Magic dans l’attente il se mit à fouiller les armoires à la recherche de quelque chose à manger. En fait il avait une terrible envie de chips. Lisy et lui s’étaient disputés hier, et elle était partie de l’appart. Il ne savait même plus vraiment d’où était partie la dispute, mais sur le coup d’une journée franchement pourrie des accusations qui n’avaient pas lieu d’être lui avaient échappé. « Bah t’as qu’à t’casser alors. T’inquiètes pas je m’en remettrais cette fois-ci encore ! » Elle était partie. Il rageait. Il s’en mordait les doigts.

G – Qu’est-ce que tu cherches ?
J – A manger.

Il crevait de faim.

G – Change-toi, je te paie une pizza.

Il ne suffit que d’un instant pour balancer le nœud pap’.

I'm just gonna take a minute and let it ride.

K'NAAN, Take a Minute.

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J – Lisy… Lisy je crois que j’ai fait une connerie.

Jeff, vingt-trois ans. Plusieurs années étaient passées depuis leur sortie de Poudlard et malgré des périodes difficiles, des embrouilles, des disputes, Lisy et lui étaient toujours là. Jeffree bossait dans un bar moldu à Londres ce qui lui permettait de payer l’appart, Lisy l’aidait à payer ses études de médicomagie. Au final, tout avait pris peu à peu un chemin de normalité. Enfin, jusqu’à cette nuit.
Lisy avait le sommeil plutôt léger et quand Jeff était entré si soudainement dans leur chambre à cinq heures du matin il ne lui avait pas fallu longtemps pour émerger. Il s’était assis sur le rebord du lit, trempé.

L – Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi t’es habillé et complètement trempé ?
J – Je sais pas trop pourquoi j’ai fait ça… Enfin, j’ai pas honte, mais je crois que je vais avoir des ennuis.
L – Mais de quoi tu parles ?
J – J’étais énervé hier soir à cause de notre dispute là, et puis j’allume la télé et je tombe sur une émission genre sur les hôpitaux. Et ils montraient ces images de gars juste complètement abandonnés là, parce que de toute façon les médecins savent qu’ils vont crever, et putain ça m’a foutu en rogne. Franchement j’avais la haine, j’étais trop mal. Et j’ai commencé à me dire ‘merde, pourquoi nous en deux tours de baguette tout est réglé, alors que eux se tapent tous ces soins là’. Enfin, on peut pas sauver les gens avec la magie, mais j’me suis dit que nos soins devaient bien marcher sur certains d’entre eux, non ? Alors j’ai pris ma baguette et mes deux trois potions et j’me suis cassé. Je suis rentré au St Mary’s en transplanant. J’ai marché, et puis je suis rentré dans des chambres et j’ai tenté.

Il releva la tête. A ce stade de l’explication un sourire ne put s’empêcher de se dessiner sur ses lèvres. Un sourire heureux, ému surtout. Ses yeux brillaient.

J – Franchement Lisy, je crois que ça à du en sauver quelques uns. J’en suis sûr même, je le sentais. C’était comme si de la force, de la chaleur se glissaient à nouveau dans ces chambres glaciales. Je suis sûr, sûr que ça a marché.

Et puis la retombée.

J – Mais je crois que c’est fini pour moi. J’ai pas réfléchi, il doit y avoir des caméras… Le ministère va tomber dessus et j’vais me retrouver le Magenmagot sur le dos… Je suis foutu. Complètement.

Il grelottait. Il commença à se débarrasser de ses affaires mouillées. Tout lui semblait confus, à vrai dire il ne réalisait même pas ce qu’il venait de faire. Avant d’y aller c’était comme s’il était guidé par un instinct et une détermination qui l’aveuglaient. Maintenant il se sentait perdu, vidé et désemparé face à une situation qui lui échappait d’avance. Il tourna la tête et planta son regard dans celui de Lisy.

J – Dis moi que j’ai bien fait, que je n’ai pas fait quelque chose de mal. Je crois que c’est la chose la plus sensée que j’ai fait de ma vie.

- Come start this fire.

WU LYF, We Bros.

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J – Putain mais t’es malade ou quoi ?! Haaa mais Greg haa je t’en foutrais bien une là !
G – Chochotte ! Non mais pendant tout ce temps tu m’as caché que t’étais un SORCIER… J’y crois pas… T’es qu’un sale traître, un Judas, Jeffree Darlington… !
J – Vas-y gueule plus fort surtout. Et aide-moi à me relever, merde.

La scène n’était sans doute pas des plus courantes. Enfin, on avait rarement vu Jeffree – Jeff-le-héros pour les plus intimes –, ce barman apprécié de tous, le nez pissant le sang, sur le trottoir devant le Sullivan. Gregory tendit rapidement la main à son ami, qui se releva encore chancelant.

G – Allez, serre-moi dans tes bras, compère sorcier !

Jeffree eut à peine le temps de trouver l’équilibre que Greg lui avait sauté dessus. Intérieurement il se promettait déjà de prendre le lendemain un rendez-vous à l’asile pour Malkin. C’était peut-être son meilleur ami, mais ce gars était franchement givré. Il était d’abord apparu, tel une fleur, à l’heure la plus affolée de la soirée – un samedi soir, qui plus est –, sautillant partout dans le bar et faisant fuir les clients en attendant que Jeffree prenne sa pause. Après quoi il avait annoncé à Jeff qu’il avait fait partie de ces timbrés qui avaient reçu un fizwizbiz et que voilà, son plus grand rêve était réalisé : il était un sorcier, un vrai de vrai ce coup-ci. A ce stade de la discussion le barman n’avait eu d’autre choix que d’expliquer à Greg qu’en réalité, lui aussi en était un. Bon, c’est sûr, il y était peut-être allé trop brutalement, mais il s’attendait simplement à un « WTF », suivi d’un sourire étincelant. Au lieu de ça Gregory avait décroché un coup de poing – dépourvu de tout sourire – qui était allé fracasser le nez et la mâchoire de Jeff contre le mur du pub. Et maintenant, il le serrait dans ses bras, comme un gamin à qui on venait d’apprendre que le Père Noël existe.

J – Allez allez, arrête tu m’étouffes là. Je te jure Malkin, parfois t’es vraiment qu’un crétin. Je crois que tous mes os du nez ont craqué d’un coup là.
G – Oh allez, t’inquiète pas va, je te payerai ta chirurgie reconstructrice faciale. Ca te ferait que du bien de toute façon, aha… Non mais sérieux, tu fais de la magie quoi, c’est incroyable. Allez montre-moi quelque chose ! J’aurais jamais pensé qu’un jour toi, petit garnement, tu me montrerais des tours de magie… Mais alors… C’est de la médecine sorcière que tu fais ? Bah répare-toi ce nez, ça devrait être un jeu d’enfants, non ? C’est dingue, j’en reviens pas !
J – Oui de la médicomagie… Mais là j’ai rien sur moi. Tu sais, à part pour mes études je m’en sers vraiment pas de la magie. Je vis très bien sans. Le bar, tout ça, ça me plait. C’est surtout Lisy qui est branchée monde sorcier. Ah bah tiens, la voilà !
G – Parce que Lisy aussi ?!
Jeff hocha la tête avant de se diriger vers elle
L – Qu’est-ce qu’il s’est passé ?! Je te laisse endormi, tout entier, ce matin et là je te retrouve défiguré… !
J – Je t’expliquerai. Par contre, t’as ta baguette, ça fait un mal de chien et je peux pas retourner bosser comme ça…

Il anticipa le regard écarquillé de Lisy.

J – C’est bon, Greg est au courant. Il a bouffé un fizwizbiz. Ca l’a rendu fou.
G – Moi fou ?! C’est toi le Judas !

Lisy leur lança un regard du genre « Je chercherai à comprendre plus tard » avant de le tirer dans un coin plus désert. Elle sortit rapidement sa baguette, un tour, un fort craquement, Jeff poussa un cri, et puis plus rien. Avec soulagement il ne sentit plus aucune douleur et un sourire se glissa sur ses lèvres.

J – Tu es merveilleuse !

Un autre sort et plus aucune trace de sang, comme si rien ne s’était passé. Greg avait observé le spectacle épaté. Oui, c’était sans doute le plus grand jour de sa vie.

J – Allez venez, on va prendre un verre.

Il marcha rapidement vers le bar et fit un signe à Tom, l’autre barman, pour qu’il lui donne encore quelques minutes de répit. Au passage il prépara trois mojito et se dirigea vers une table au fond du local ou s’étaient déjà installés Lisy et Gregory.

G – Bon, mais avec cette histoire, il va se passer quoi maintenant ?
L – Je sais pas vraiment, c’est l’ahurissement le plus complet au Ministère. Ils vont prendre des mesures strictes j’imagine. Mais c’est une situation impossible à gérer, trop de personnes ont reçu des pouvoirs.
J – On part demain avec Lisy.
G – Comment ça ? Vous allez où ?
J – Je t’avais dit que j’avais eu quelques problèmes et que je devais sortir de la circulation quelques temps, non ? Bah en fait, c’est un peu plus compliqué que ça. Je sais pas ce qu’il va se passer maintenant, vu que la moitié de Londres est au courant qu’il existe un monde magique, mais jusqu’à aujourd’hui j’avais un peu les autorités sorcières sur le dos pour avoir commis une « faute professionnelle », on va dire… Bref, je t’expliquerai mieux, ici c’est pas vraiment l’endroit. Mais Lisy et moi on a dégoté des jobs provisoires dans notre ancienne « école ». Le directeur me connaît bien, il a accepté de me couvrir un certain temps.
L – Oui, et c’est pas plus mal de sortir de cette folie que va être London pour les prochain temps. Je crois qu’ils vont devenir fous au Ministère.
J – Moi aussi j’ai l’impression de devenir fou, remarque. Je comprends vraiment rien à ce qu’il s’est passé. Quel bordel ça va devenir ? Pourquoi on ne changerait pas de pays, Lisy ? Franchement, ici ça va devenir la foire.

Tom lui fit signe au loin. Il était temps d’y retourner. Demain c’était une nouvelle vie qui allait commencer. Un retour à la case départ : Poudlard. A vingt-trois ans il allait à nouveau déambuler à travers les vastes couloirs du château. Il déposa un rapide baiser sur la joue de Lisy avant d’avaler rapidement son verre encore presque rempli et de se lever. Tous les souvenirs revenaient à la surface, il y avait eu de bons moments, comme de mauvais. Poudlard avait changé leur vie, mais c’était avec grande appréhension qu’il s’apprêtait à y retourner. L’alcool et la musique forte l’absorbaient totalement, mais la voix de Greg se détacha quand même du reste.

G – De la magie, et tu veux t’en débarrasser, c’est toi le fou mon grand… On se revoit là-bas, mon pote !

Un sourire.

Spoiler:

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