Si je devais décrire ma vie aujourd'hui, je dirais que je l'ai passé à tenter de garder mes mains propres, tout en acceptant de faire le sale boulot. Parce que je préférais m'en charger moi même. Je me suis toujours vu comme un homme de l'ombre, qui n'aspirait qu'à apporter un peu de lumière. Il faut croire que c'est dans les gènes, après tout. Peut-être étais-je né pour combattre l'injustice, parce que c'est ce que le sang en moi réclame. Par ce que du sang, j'en ai vu assez. J'ai vécu mon enfance dans un pays en guerre où il n'y avait aucun futur pour moi, j'ai fuit un pays en guerre, pour une fois arrivé à l'âge d'homme me rendre compte que ce n'était que pour retomber dans une autre. Plus sombre, plus terrifiante, plus insidieuse et sournoise. Bien plus terrifiante, oui.

Je suis né à Belfast, dans un charmant petit quartier catholique barricadé, d'un père sorcier et d'une mère moldue. Je n'ai guère connu mon père, il est décédé alors que j'avais 7 ans. C'était un Auror, un traqueur de mages noirs. Je suis le dernier descendant des O'Seamus, une vieille famille de sorciers irlandais qui n'a jamais été très à cheval sur les principes du sang. Ma mère n'avait pas de famille, et du jour au lendemain se retrouvait veuve, avec un petit garçon turbulent et débordant de magie autour de lui. Mes grands parents, qui appréciaient beaucoup ma mère malgré son statut de moldue, nous ont accueillis chez eux, à Galway, en Irlande libre. J'ai pu alors baigner dans la magie, loin de la peur, loin de la guerre.

Les O'Seamus n'étaient pas très portés sur la pureté du sang, comme je vous l'ai déjà dit. Par contre, s'il y avait des principes auxquels ils tenaient, c'était la loyauté, et l'indépendance. Pour un O'Seamus, rien n'est pire que de vivre sous le joug injuste de quelqu'un qui impose sa volonté. Sur les murs du manoir familial, des générations d'O'Seamus retraçaient l'histoire guerrière de l'Irlande, et de la lutte contre le joug anglais. Nombre d'O'Seamus travaillaient pour le ministère de la magie Irlandais ou Anglais, et plusieurs étaient impliqués dans les affaires des moldus. Qui de l'IRA de Michael Collins, qui du Fianna Fail. Des sorciers de l'ombre qui servaient aussi les intérêts moldus. J'étais fier de ma famille, et il y avait de quoi à mes yeux du moins. J'ai grandit dans cet environnement où l'on pronait l'honneur et la lutte contre les injustices. Je me suis forgé un caractère fort, indépendant. Mon grand père se mit en tête de m'élever à la O'Seamus, à la dure, pour me préparer à pouvoir moi aussi me battre pour mes idéaux. Il fit de moi un occlumens, comme tous les O'Seamus, et m'apprit que si je devais combattre, je devais surtout respecter la vie, même celle de mes ennemis. Que se battre était plus une question d'esprit parfois que d'action, que je ne devais pas chercher le sang, mais la paix. Qu'il ne fallait s'impliquer que si son coeur était sur de ce qui était juste et ce qui ne l'était pas. Mais qu'une fois impliqué, il n'y avait pas de retour possible. Il m'apprit à respecter mes serments jusqu'à la mort. Il m'apprit la différence entre le courage et la témérité. Il me fit passer des heures dans la bibliothèque pour affuter mon esprit, et me forger mes opinions. Il m'apprit aussi à survivre tout seul, dans la nature, et j'adorais nos week end passés entre les lacs et les tourbières, à pêcher à la moldue. Mais jamais on ne m'enseigna la magie, bien qu'elle débordait parfois hors de moi, et faisait se produire des choses bien singulières. A dix ans, j'étais un garçon un peu étrange, peu bavard mais sociable, sur de lui, casse cou et avide d'aventure. Dès que je pouvais, je m'échappais quelques heures pour courir hors de la maison, seul, parfois avec quelques livres.

C'est sans surprise qu'à l'aube de mes 11 ans, je reçut une lettre de Poudlard. Quelques mois plus tard, je faisais mes valises pour ce qui allait être une nouvelle grande aventure. Je fus, à l'enthousiasme de ma mère et de ma grand mère et à leur soulagement, envoyé à Serdaigle. Elles avaient peur que je finisse à gryffondor et que je sois mêlé à toute sorte d'embrouilles. Mon grand père, lui, fut tout aussi fier mais aurait voulu me voir à Gryffondor. Mais tous les O'Seamus étaient passés par Serdaigle et Gryffondor, je faisais honneur quand même à la tradition. J'ai passé 7 années à étudier à Poudlard, à découvrir le Quidditch et à devenir un fervent supporter de mon équipe, à travailler d'arrache pied sans trop savoir encore dans quel but. Mais cela se déciderait bien vite pour moi au fur et à mesure qu'avancèrent les années.

Lorsque je sortis de Poudlard, mes ASPICs en poche, l'avenir s'ouvrait à moi. Mais un avenir que tous pressentaient déjà sombre. J'aurais pu retourner en Irlande, et devenir qui je voulais. Mais j'avais décidé que le dernier des O'Seamus devrait faire honneur à son sang. Je décidais de devenir Auror, non pour le Ministère irlandais, mais pour le Ministère britannique. Je pense que je fis à l'époque le bon choix. Je ne voulais pas rester les bras croisés quand les principes auxquels je tenais étaient en train d'être détruits par une bande de fanatiques encapuchonnés.

Au bout d'une formation éprouvante de 3 années, je devenais officiellement Auror. Au vu de mes capacités d'occlumens, on me confiait des missions dangereuses, car on avait confiance en moi : même capturé, dans ma tête la ligne entre le bien et le mal était claire, et je ne parlerais pas. j'étais un occlumens, j'étais un O'Seamus, et je croyais en ce que je faisais. Il n'y avait pas le temps de materner les bleus, et je fus lâché dans l'arène, ce qui me convenait tout à fait. Notre mission : lutter désespérément contre les mangemorts, ce groupuscule extrémiste anti-moldu, et contre tous les partisans du chaos qu'amenait celui qui se faisait appeler Lord Voldemort. Notre mission était de les traquer sans relâche et de les amener à comparaitre devant le Magenmagot... Si possible. Je reste encore assez fier de moi, car malgré la colère qu'ils faisaient naître en moi, et malgré avoir eu bien souvent pour ne pas dire à chaque fois des envies de meurtre en découvrant l'identité des mangemorts, je réussis à garder mes mains presque propres. J'ai du tuer, comme nombre de mes collègues, parce que parfois c'était eux ou moi, mais rarement seulement, et j'en ai toujours éprouvé des remords. Pas parce que la sentence était trop dure, mais parce qu'elle était trop douce face au châtiment des détraqueurs. J'en ai longtemps cauchemardé, et j'en rêve encore. Ce n'était pas la place d'un gamin d'à peine plus de 21 ans que de combattre ainsi des gens bien plus expérimentés et terrifiants.

Lorsque Lord Voldemort fut vaincu, nous n'avons cessé de traquer ses derniers partisans partout autour du globe. C'était une période tout aussi sombre que la précédente, pour nous du moins. Le monde magique pouvait fêter la disparition de Voldemort, mais nous, nous avions encore du pain sur la planche. Nos méthodes aussi changèrent, il fallait des résultats, et vite, et nombre d'entre nous, les plus jeunes surtout, nous demandions à quoi cela rimait-il. Lorsque nous ramenions des mangemorts, ou des gens suspectés d'avoir d'une manière ou d'une autre supporté leurs actions, ils étaient directement escortés à Azkaban. Et l'histoire nous a prouvé que certains n'y avaient pas leur place. Je garde aussi de terribles cauchemars de cette époque, je me revois escorter un pauvre gars qui hurlait jusqu'aux grilles d'Azkaban. Leurs cris résonnent encore à mes oreilles. Les cris d'un innocent ou d'un coupable, à Azkaban, résonnent de la même façon. A cette époque, je ne pouvais m'endormir sans lancer un patronus, le regardant galoper tandis que je fermais les yeux. Aujourd'hui encore, lorsque je me réveille en sueur et tremblant dans la nuit, c'est la seule chose qui m'apaise. De cette époque, je garde des cauchemars, et j'ai fait en sorte de garder un souvenir de tous les êtres abjects que j'ai croisé et dont j'ai survécu aux rencontres. C'est à cette époque que j'ai commencé à me faire graver mes premiers tatouages, pour inscrire à même la chair que j'avais réussit à survivre, et que je ne devais pas oublier que ce jour là j'aurais pu y rester. Nombre d'entre eux se sont effacés, leur souvenir restent vivaces, mais moi, j'ai continué d'avancer, et de laisser mon passé derrière.

Les années passèrent, et notre rôle évolua. Mais j'étais toujours sur le terrain, la raison pour laquelle je m'étais engagée avait disparu, mais que pouvais-je faire d'autre ? Mon grand père était depuis peu décédée, et ma grand mère l'avait suivie. Ma mère ne tarda pas non plus. Peu avant de mourir, attente d'un cancer, elle me confia que c'était la peine qui la tuait, et qu'elle ne s'était jamais remise de la disparition de mon père, surmontant seulement pour me voir devenir un homme. Maintenant, elle pouvait partir tranquille, me confia-t-elle. Je n'ai plus jamais remis le pied en Irlande. Je n'ai jamais pu. Un jour, lorsqu'il serait temps pour moi de finir tranquillement ce qu'il me restera de vie, j'irais habiter de nouveau dans le manoir des O'Seamus, avec ses portraits accrochés aux murs. J'aurais ma place parmi mes ancêtres, et je ne rougirais pas de ce que j'ai accompli.

En attendant, j'étais toujours par monts et par vaux, travaillant de concert avec d'autres ministères de la magie, d'autres pays. J'ai passé presque deux ans à surveiller un camp de Loup Garou dans le désert syrien, et j'étais souvent désigné pour aller vérifier que les géants que nous avions boutés hors d'Angleterre se tenait tranquille.

Sauf que Voldemort n'était pas mort, et une deuxième guerre s'annonçait. Nous étions plus préparés cette fois, mais le destin ne reposait pas entre nos mains. Les mangemorts étaient une hydre aux têtes qui repoussaient sans cesse. Je revins à mes premières passes d'armes. Plus vieux, mieux préparé. Et encore une fois, je survécus, quand nombre de mes collègues ne revinrent jamais. Le monde magique était sauvé cette fois encore par celui qui avait obligé le mage noir à fuir. L'histoire se répétait, mais cette fois, il n'y aurait pas de retour de Voldemort. C'était bel et bien fini.


- La retraite ? Tu n'es pas sérieux...
John venait de passer sa tête au dessus de la cloison entre nos box.
- Plus que sérieux, j'en ai pas l'air ?
Je lui désignais le carton que je remplissais lentement de tous les souvenirs qui composaient mon bureau. Les avis de recherche des mangemorts que j'avais capturé, les photos de ma famille, un petit souvenir de chaque endroit où j'étais allé, la carte de grande bretagne et du monde où j'avais épinglé chaque endroit visité. J'avais encore en main une photo de moi et des loups du camp syrien, en train de boire du whiskey pur feu au hammam qu'ils avaient installé dans les ruines d'un château du désert. Le bon vieux temps était fini. Il était temps d'emballer ses souvenirs pour s'en bâtir de nouveaux.

- Arrête Declan, t'as pas l'âge pour partir à la retraite, t'as encore des bleus à terroriser, des mages noirs à traquer... Ce job c'est ta vie !
Il avait raison, de ma sortie de Poudlard, je n'avais fait que ça. Je ne savais rien faire d'autre. Pourtant, je ne me sentais plus à ma place. Le Survivant était à la tête du Bureau, et l'avait réorganisé totalement. Pour le mieux. Mais je ne me sentais plus à ma place. Cette fois, la menace avait disparu. Voldemort défait, une nouvelle génération prête à en découvre, et moi dans tout ça ? Moi je me sentais vieux, et un peu dépassé. Le bon vieux temps me manquait. J'avais besoin d'un nouveau but, d'une nouvelle aventure, avant de me transformer en pierre.
- J'ai 54 ans, John, j'ai vécu deux guerres et le monde magique est plus sur qu'il ne l'a jamais été. On en est réduit à rechercher des vendeurs de farces et attrapes ! Il est temps de laisser la nouvelle génération prendre les choses en main. Je suis d'une autre époque...

- Tu dis ça comme si tu étais un vieux crouton qui n'a plus rien à donner... Qu'est-ce que tu vas faire, la retraite c'est pas pour toi, passer ta journée à regarder passer le train ?
Je ne pu m'empêcher de sourire. John et moi, nous travaillions ensembles depuis des années, tellement que je ne me souvenais plus de notre première rencontre. C'est vrai que j'avais toujours été un homme de terrain, toujours volontaire pour les missions dangereuses, même quand mes collègues tombaient comme des mouches sous les coups des mangemorts. J'avais survécu, peut-être était-ce dans un but ? En fait, je n'avais jamais encore envisagé la retraite, et si je me retirais du Bureau, c'était par ce que ma place n'y était plus. Une autre place m'attendait. j'avais survécu pour témoigner, mais aussi pour former une nouvelle génération. Qui pouvait savoir ce qu'elle allait devoir affronter ?

- J'ai pas dit que j'avais l'intention de retourner en Irlande et m'enterrer dans le Connemara avec comme seul passe temps la pêche à la mouche non plus. Je quitte seulement le bureau et le service actif. Il parait qu'ils cherchent un professeur de Sortilèges à Poudlard, peut-être je pourrais aller voir. Qui sait, j'ai encore peut-être deux ou trois trucs à leur apprendre, à ces jeunes. Et puis, le Bureau est entre de bonnes mains. Et moi, je suis un vieux de la vieille, et les changements c'est pas bon pour mon cœur...

Et me voilà aujourd'hui, professeur de sortilèges à Poudlard depuis la rentrée 2008. Je n'ai jamais voulu du poste de défense contre les forces du mal, parce que sans vouloir tirer la page, j'aspire à plus de tranquillité, et essaie de ne pas faire remonter à la surface des souvenirs pas toujours très agréables. Par contre, j'ai accepté d'animer le club de duel de Poudlard, parce que cela reste un des excellents souvenirs de ma scolarité. D'ailleurs, je vois d'un assez bon oeil les moldus qui débarquent à la suite de l'affaire Fizwizbiz. Il n'a jamais eu ce mépris des moldus, au contraire. Son enfance passé à vivre comme eux, avec sa mère, lui ont donné de bonnes bases pour les comprendre. Il a gardé contact avec ce monde, et cela lui a été bien utile lorsqu'il s'agissait de mettre en place une filature. parce que les sorciers ne font pas attention aux moldus. Et ils ont bien tort. Declan n'en dit peut-être rien, mais au fond, pour lui, tous les moldus devraient devenir sorciers. Cela éviterait peut-être à l'avenir de voir des gens prôner la supériorité du sang sorcier et opprimer le reste de la population les traitant comme un vulgaire troupeau inutile. Alors, certes, Declan trouve ça un peu violent, et pas très orthodoxe comme méthode. Il plaint un peu ces moldus qui n'avaient rien demandé à personne, et il imagine sans mal leur désarroi et la peur qu'ils doivent éprouver face à ces pouvoirs. Heureusement, les jeunes qui ont trouvé le chemin de Poudlard auront la possibilité d'avoir une vie différente, et apprendront à vivre avec ces pouvoirs, non à seulement les craindre.