« Ils arrivent, levez le camp! Dépêchez-vous, bon sang! »

J'ai six ans. Nous sommes à quelques kilomètres seulement de Moscou. Ma famille est une de ces familles tziganes, pourchassée où qu'elle aille à travers toute la Russie. Je suis né dans cet univers, un univers à double-tranchant. Notre communauté n'est pas seulement constituée de notre famille. Nous sommes en tout quatre familles nomades qui voyagent ensemble. Ce genre de vie vous apprend de nombreuses choses: la débrouillardise, la solidarité, le partage, l'agilité, la fuite, la dissimulation. On n'est plus humain, on se doit d'évoluer si l'on veut survivre. On passe son temps à échapper à ceux qui vous veulent enfermés ou morts. On essaye de soutenir ses compagnons, et chacun travaille en ce sens. La famille n'est plus constituée que de quelques personnes du même nom, mais de tous les voyageurs d'un campement.

Je suis un de ces enfants rejetés qui n'auront jamais leur place dans les dossiers et qui resteront simplement des sans papiers criminels, des voleurs sans foi ni loi. Et ce dès ma naissance. C'est un peu triste, n'est-ce-pas? Mais on s'y fait vite. On découvre le bonheur de la simplicité, en même temps que le danger permanent. Il paraît que celui qui ne peut se contenter de peu ne sera jamais content de rien, c'est bien vrai, et c'est une chose qu'on vous apprend, chez les manouches.

Je vous prierai de ne pas penser que parce qu'on est nomades et fugitifs, nous sommes peu civilisés et stupides. La culture manouche est absolument captivante, la musique y a une place centrale, et les arts sont privilégiés. Dès la petite enfance, on nous habitue à danser, chanter, jouer d'un ou plusieurs instruments, etc. C'est une bonne éducation que j'ai reçu, je pense. Je sais lire, écrire. Je n'ai que six ans, et je sais déjà me débrouiller avec une guitare entre les doigts, avec un harmonica au bout des lèvres ou même avec la trompette de mon grand-père. J'ai six ans, je suis un manouche, et je suis heureux. Je crois.



Aujourd'hui, c'est mon anniversaire. J'ai huit ans! Mon père m'a offert une bicyclette rouge, avec des rayures noires sur le guidon et un klaxon particulièrement beau. Ma mère m'a préparé une spécialité de chez elle, en guise de gâteau, c'était vraiment bon. Je suis allée jusqu'à la rivière et j'ai rencontré un vieux monsieur. Il m'a dit qu'il était "saltimbanque", ou quelque chose comme ça, et comme j'ai trouvé que ça sonnait bien, je l'ai ramené au campement. Il a été accueilli à bras ouverts et il a passé tout l'après-midi à nous montrer des tours de magie et ses numéros de cirque. J'étais fasciné. Le saltimbanque, en apprenant que c'était mon anniversaire, m'a offert quatre belles balles de jonglerie, comme il dit, en laine. Elles sont magnifiques. Il a décidé de faire un bout de route avec nous, et il m'a dit qu'il m'apprendrait à m'en servir pour qu'elles volent et qu'elles distribuent des sourires aux alentours. Il m'a distribué un sourire.

Ce soir, c'est la pleine lune, et on fête autour du feu de camp. Le saltimbanque est français, et il a beaucoup voyagé. Il a décidé de faire de sa vie un grand cirque, un grand théâtre, et de vivre comme il le voulait. Plus tard, je veux lui ressembler, être comme lui. Il m'a déjà montré comment faire tourner les balles, et j'y arrive presque à trois! Bientôt, j'ajouterai la quatrième! Mais je commence à me sentir mal... Comme si le feu de camp était effrayant. Pourtant, j'ai passé de nombreuses nuits à danser avec les flammes. La lune me blesse. Quand je lève les yeux vers elle, elle me brûle. Mes doigts tremblent. Je vais voir maman, et je lui explique que je me sens tout bizarre. Ses yeux deviennent étranges, comme si elle savait que ça devait arriver, mais qu'elle aurait aimé que ça n'arrive jamais. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas souvent, d'ailleurs, je vois toujours des choses étranges, et les nuits de pleines lunes, ces derniers temps, je me sens comme ça: penaud, un peu patraque.

Papa m'attrape dans ses bras. Normalement, je ne le vois jamais les soirs de pleine lune: il prétexte toujours qu'il se sent mal. Comme moi! Il se met à courir avec moi sur son dos. Je ris aux éclats, parce que j'ai toujours aimé que papa me mette dans les airs. Mais lui ne rit pas. Il a l'air d'avoir peur. Il me fait un peu mal, d'ailleurs, mais j'ai beau lui dire, il ne s'arrête pas. Il court toujours, aussi vite qu'il peut, de plus en plus loin du campement, et je vois les flammes du feu de camp disparaître peu à peu. Chacun de mes membres me brûlent, me piquent, m'arrachent des petits gémissements de douleur. Papa me pose. Il a l'air terrifiant. Son visage a changé, et il est plus poilu qu'avant. J'ai peur. Et j'ai mal. Et j'ai peur. Et j'ai l'impression que je suis en train de mourir. Je hurle. Mon cri n'est pas humain, il est animal. Papa, dis-moi, dis-moi qu'est-ce qui m'arrive. Mais papa n'est plus papa. Papa est une sorte d'ours... une sorte de... Papa est un loup.



Voilà deux ans depuis ma première transformation. J'ai appris à me contrôler, papa m'a tout expliqué. J'ai appris que ces choses étranges que j'avais déjà vu dans la caravane étaient réelles. Mes amis ne pouvaient pas comprendre car ils étaient "moldus", mais que moi, j'étais différent, moi, je suis un sorcier. Un sorcier loup-garou. J'ai un peu peur, des fois, parce que sorcier, c'est assez imposant, pour un nom commun. Papa m'a parlé "d'humilité". Il m'a dit que qui qu'on soit, c'était la valeur la plus importante à garder en tête: toujours rester modeste et humble. Il m'a expliqué que mes pouvoirs ne devaient pas servir à faire du mal, qu'ils n'étaient que pour me défendre ou pour aider, jamais pour blesser.

« Ils arrivent! Mais ils sont plusieurs dizaines! Ils sont armés jusqu'au dents! On a pas le temps pour les caravanes, fuyez! »

Papa et Maman s'emparent de moi et de ma petite sœur d'un an et demi. Ils se mettent à courir en direction de la forêt. Les autres manouches courent aussi partout. Ils s'en vont, quittent tout, aussi vite que possible. C'est le chaos le plus total. Il fait nuit, une nuit sans lune. Le feu de camp jette une horrible lueur sur l'agitation cauchemardesque dont le camp est victime. Les enfants pleurent et crient. Les parents sont terrifiés. Le saltimbanque, qui ne nous a plus quitter, nous suit, mes parents et moi. Il m'a appris d'autres tours. C'est un sorcier, lui aussi, mais pas de ceux qui ont des pouvoirs. Il est magicien par ruse et par intelligence. Moi aussi, j'aurais aimé mériter mes pouvoirs.

Je le vois qui trébuche à quelques mètres de nous. Il est trop vieux. Je supplie papa de l'aider, mais papa ne pense qu'à me mettre hors de danger. De l'épaule de mon père j'aperçois le vieux qui tente de courir aussi vite que nous. Il nous rattrape presque, et je lui tends mes mains, dans le but de l'aider. Il en attrape une, y dépose quelque chose, et la lâche. Il se laisse ensuite chuter et murmure quelques paroles. Il prie. Il sait qu'il va mourir, et il ne court plus. Il a choisi de mourir comme il avait vécu: par choix. Il ne s'enfuit plus. Il accepte la mort. D'ici, je croirais presque qu'il sourit. Adieu, vieux saltimbanque. J'observe l'objet dans ma main. C'est son collier, un vieux talisman. Un étrange A dans un cercle. Il n'a jamais eu le temps de m'expliquer ce que c'était.

Doucement, je pleure sur l'épaule de papa, mais pas trop fort, pour pas qu'il ne m'entende. Au loin, j'entends les cris de soldats, les plaintes des familles, les pleurs des enfants. Et je pleure en silence. C'est ce jour-là que ma vie a tout à fait basculée. Le jour où j'ai compris que la magie aurait pu sauver la vie du saltimbanque, que mon père aurait pu sauver tout le campement, mais que, par égoïsme, ou peut-être par "humilité", il n'avait rien fait. Ce jour-là, j'avais dix ans, et je me suis jurée de devenir l'héritier du saltimbanque, comme il l'avait surement voulu en m'offrant son pendentif: j'allais faire mes propres choix.



Je devrais rentrer à Poudlard aujourd'hui. Mais ma vie n'est plus rien. A cause de moi, je ne suis plus rien, ma famille n'est plus rien. J'ai fais, aujourd'hui, la pire erreur de toute ma vie. Je me suis condamné. Je vais mourir. Je devrais mourir, je suis inutile, pire, je suis dangereux. Ma petite soeur est décédée à 2 ans et quelques mois. J'ai voulu la défendre, mais au lieu de ça, je l'ai tué. Depuis que le campement est dissous, j'ai réussi à convaincre mes parents d'aller en France. Nous avons pu passer les frontières illégalement et nous installer non loin de Paris. Mais la vie est plus dure encore qu'en Russie, et le cirque, la musique, l'art, est inutile dans un pays en crise. Alors nous devons voler.

Je m'en charge souvent, bien plus discret qu'un couple aux très typiquement russes et aux visages marqués par une vie difficile. Aujourd'hui, j'étais avec ma petite soeur sur le dos. Le type de la sécurité m'a pris la main dans le sac, alors j'ai couru. Il m'a poursuivi, je me suis retrouvée dans une ruelle, dans une impasse. Je ne pouvais plus fuir. Il était immense, il tenait son gun entre ses doigts tremblants, il avait au moins aussi peur que moi, et il ne comptait pas sur moi. Si je n'avais pas eu ma soeur, j'aurais tenté de lui passer entre les jambes, mais là... Alors j'ai utilisé la magie. Je ne la maîtrise pas bien, et j'ai tenté de lancer n'importe quoi, de faire quelque chose. J'ai réussi à faire quelque chose, mais j'ignore complètement quoi. Ce que je sais, c'est que le gorille a tiré. Et que la balle s'est logée dans le crâne de ma petite soeur. Le type a paniqué, il a fuit.

J'ai le cadavre de l'enfant dans mes bras. Je ne sais pas quoi faire. Devrais-je retourner auprès de mes parents? Ils me tueraient, et ils auraient raison... Ça leur ferait trop de peine... Ils ne pourraient pas le supporter... Je dois fuir... Ils ne le supporteront pas non plus. Je me lève, le corps ensanglanté de la gamine collé contre mon coeur. J'ai froid, j'ai peur, je suis fatigué. En plus, il commence à pleuvoir. D'un pas lourd, je me traine jusqu'au squat que ma famille a choisi pour loger. Je dépose l'enfant sur les marches, m'assois, et pleure. J'attends. Un miracle.



Le temps a passé. J'ai intégré Poudlard. Je suis en troisième année. C'est incroyable! Ma mère a pu m'y faire entrer parce qu'elle a fait ses études là-bas, tout comme mon père, d'ailleurs, ils s'y sont rencontrés. Elle était reconnue pour être une excellente élève en Défense contre les forces du mal. Mon père, lui, avait été le meilleur poursuiveur de Poufsouffle pendant des années. Mes pouvoirs deviennent plus intéressants. Je ne suis ni une tête de classe, ni un cancre. Je suis même plutôt bon, mais bien trop paresseux pour travailler intensément. Je passe beaucoup de temps à la bibliothèque. J'apprends beaucoup, mais je me passionne plus pour le monde des moldus, que pour le monde des sorciers, étonnamment. J'ai, par exemple, découvert le sens du collier du saltimbanque. C'est un symbole idéologique. Il représente l'anarchisme. C'est une idéologie étrange. J'essaye de l'étudier pour mieux la comprendre.

J'ai aussi découvert d'autres aspects de la vie. J'avais souvent vu, sur le campement, des adultes fumer. Mais je ne l'avais jamais fait. C'est amusant, c'est une nouveauté. Moi, je dois avouer que ça me fait battre le coeur très fort quand je fume. Mais c'est surement parce qu'on doit le faire cacher, en dehors de Poudlard. Je passe beaucoup de mon temps libre à Pré-Au-Lard, je me suis pris d'amitié pour le tenancier des Farces & Attrapes. Il me fait penser, un peu, au saltimbanque, son humour, surtout. Je me sens bien à Poudlard. Mais je n'ai aucune nouvelle de mes parents depuis presque un mois. Je verrai bien ce qui se passe quand je rentrerai, à noël.

Je crois qu'ils m'ont pardonné la mort de ma soeur. Ils ont eu énormément de peine, bien sûr, et pour leur faciliter la tâche, je suis parti dès le lendemain pour Poudlard en espérant ne revenir que lorsqu'ils auraient étanché leur rancoeur. La première année a été dure, mais ils se sont habitués. Néanmoins, je sais qu'ils m'en veulent encore un peu, et je les comprends, évidemment. J'ai tué leur enfant.



Mes parents n'existent plus. Enfin, je ne les retrouverai jamais. La police a découvert leur squat, ils se sont faits arrêter avec d'autres clandestins, et ont été renvoyés en Russie. Ils ont probablement repris leur vie nomade. Et je sais qu'ils pourraient m'envoyer une lettre s'ils voulaient réellement me revoir. Je suppose qu'ils ne veulent pas, car ça fait déjà un an que je n'ai aucune nouvelle d'eux. Je me sens comme... un orphelin. J'ai beaucoup changé, cette dernière année, après avoir compris que mes parents m'avaient littéralement abandonnés. J'aimerais dire que je ne leur en veux pas, que je les comprend, mais ce serait mentir. Je leur en veux terriblement. Mais je m'en veux terriblement aussi. Je sais que je suis fautif aussi. Autant qu'eux. Voire plus.

Je suis devenu très cultivé. Ces vacances entières passées dans la bibliothèque parce que je n'avais aucune famille. Cette solitude oppressante, ça fait évoluer, ça fait apprendre. J'ai développé mon humour, aussi, quand on est seul, il faut bien rire un peu, et si le seul moyen c'est de se faire rire soi-même, on a intérêt à être bien drôle. Je dois avouer que je me questionne sur beaucoup de choses, et que quand on a personne à qui les poser, c'est un peu difficile. L'année prochaine, je quitte Poudlard pour un an, histoire de me retrouver un peu, de pouvoir me recentrer sur mes objectifs, sur mes envies et mes besoins. Sur mon identité, aussi, peut-être. Je ne sais pas encore où j'irai, mais une chose est sûre: J'irai à Paris, et je tenterai de marcher sur les traces du saltimbanque, j'irai à St-Germain-Des-Prés, écouter les déclamations de poèmes dont il m'a parlé, j'irai voir le Moulin Rouge, je vais vivre un an comme lui: je vais choisir.



Vivre sans la magie a été dur. Je sais maintenant que j'ai besoin d'elle. Elle est une partie de moi. Quand on est loup-garou, vivre en ville est assez difficile. J'ai rencontré un sorcier expert en potion qui a su me fournir un antidote à prendre chaque jour et qui permet de limiter les transformations, du coup, je n'avais qu'à boire ses potions, et je ne me transformais plus. Ces transformations sont à la fois un fardeau et un atout. Si je pouvais ne plus être loup-garou, je ne sais vraiment pas ce que je choisirai... De toutes façons, je ne peux pas.

Cette année en France a été incroyable. J'ai découvert tant de choses... Le sexe, d'abord. Et la drogue. Et l'alcool, les fêtes jusqu'à pas d'heure, l'ivresse, la transe. J'ai découvert ce que ça faisait, de jouer de la musique sous drogue, de peindre saoul. J'ai découvert les joies de l'interdit, l'amour de la transgression. J'ai côtoyé des anarchistes qui m'ont tout appris sur les méthodes et les idées de l'anarchie, l'idéologie de mon saltimbanque. Je me suis attaché à Paris, mais maintenant, c'est l'heure de retourner étudier. Je suis face à Poudlard, et j'avoue que j'aimerais repartir. Poudlard me plait moins que Paris. Je pense que, même si j'aime la magie plus que tout, je préfère le monde moldu. Je m'y sens moins seul. Je trouve le monde magique plus divisé encore que le monde moldu. C'est incroyable, quand on y pense...



Oh mon Dieu, oh mon Dieu! Mr Mustard est un génie! Il a su protester, foutre les deux mondes sens dessus-dessous sans une goutte de sang, et avec un humour absolument épatant! Je n'aurais même pas été capable d'imaginer une astuce aussi... diabolique et magnifique à la fois! Il a su faire passer son message à travers une grosse farce dont les conséquences sont mondiales! Je jubile depuis ce matin, depuis que j'ai appris sa ruse! Si je pouvais le rencontrer, lui demander quand et comment et où lui est venu cette merveilleuse idée... Oh la la!

Je suis en sixième année. J'ai passé les BUSES l'année dernière sans trop de problème (hum... sauf en potions, mais ça n'a jamais été mon fort... j'ai failli faire exploser mon voisin.). Je me suis bien intégré à Poudlard, et j'ai terriblement hâte de voir si les prochaines premières années sont des moldus rendus sorciers! J'ai hâte qu'ils mettent de l'ambiance à Poudlard! Ici, tout est très réglementé, et tout est bien trop sécuritaire. Je ne me suis battu qu'une fois depuis mon retour, et j'ai eu le droit à presque une semaine entière de TUC pour avoir casser le nez d'un crétin de Griffondor. Poudlard va s'animer avec la venue des anciens moldus, et moi, je vais pouvoir en apprendre bien plus sur leurs habitudes. J'ai hâte. J'en jubile à l'avance! Cette année sera bien plus amusante que les autres!

le caractère de ton personnage, ses origines, l'approche qu'il a de la magie et surtout l'impact qu'ont eu les derniers évènements sur lui.