« Ewart… Ewart ! Bordel… EWART ! »
Garrett prononça de plus en plus fort le nom de son ami. À un point que cela ressemblait plus à un cri qu’à un chuchotement. Non, malgré ce que vous pourriez croire parce que vous avec l’esprit très tordu et carrément perverti par cet abus de sexe à trop gosse dose, ils n’étaient pas entrain de faire l’amour. Vous savez, quand on parle d’amis, ils ne couchent pas forcément ensemble. Bref. Ils étaient plutôt entrain de se cacher malicieusement, mais non pas moins désespérément, dans l’ombre des grandes alcôves des couloirs du château pour réchapper sans une seule égratignure à ce sournois, mais stupide, Argus Rusard. Ce concierge, et sa fidèle chatte miss Teigne, semblaient être aussi vieux que ces antiques murs en pierre, et totalement immortels, imperméables au fléau du temps. Ils paraissaient aussi méchants, cruels, mais plus incapables tu meurs. C’est pour ces raisons, en plus du fait qu’ils étaient des cracmols réputés, que les élèves s’amusaient probablement d’eux. Il est vrai que les enfants pouvaient être très sadiques entre eux, mais c’était dix fois pire avec les pauvres créatures comme Rusard. Et le jeune Moriarty ainsi que son ami Ewart ne délogeaient pas à la règle. On les appelait le duo de choc. Zigoto et zigomar aussi. À savoir après lequel était lequel. Les maraudeurs, les jumeaux Weasley de leur génération. Une fois de plus, ils avaient séché sans aucun remord les cours de l’après-midi pour mener leurs propres expériences sans être dérangés. Dans la journée, ils manquaient bien trop de temps, et la nuit ils ne pouvaient pas quitter leur salle commune. Alors si on a à notre portée la magie et qu’on ne peut pas s’en servir, cela sert à quoi ? Enfin. Sans être dérangés… Certes. Mais que jusqu’à ce qu’ils fassent glorieusement exploser les toilettes de cette chère Mimi Geignarde. Ce qui était au final, sans aucun doute, le résultat de leur expérience. Qui n’avait pas laissé passer cette merveilleuse chance, raison, de hurler comme hystérique qu’on tuerait une nouvelle fois. Ce qui n’avait pas manqué d’alerter tout le château, au moins ! À présent, le Gryffondor essayait avec persévérance d’attirer l’attention de Mustard adolescent. Il grogna et faillit se jeter sur lui quand il se rendit compte que ses efforts étaient vains. Jusqu’à ce qu’il réalise que son ami le faisait exprès. Il serra les dents, se faisant violence pour ne pas l’étrangler, tout de suite, maintenant. Il tira la langue à son rictus narquois, sarcastique, et lui fit signe de le suivre. Se grouiller et ne pas faire le con comme il avait l’habitude de faire. En silence – like a boss – tels des espions, dignes du Shield des Avengers, ils battirent en retraite, loin du champ de bataille. Lorsqu’ils passèrent devant le portrait de la Grosse Dame, qui fronça les sourcils en voyant Ewart à la suite de Garrett, ils expirèrent bruyamment le souffle qu’ils ne savaient pas qu’ils tenaient, et s’écroulèrent au sol contre le mur, dans un fou rire phénoménal. Les battements de leur cœur se calmèrent rapidement, et ils s’installèrent confortablement sur le canapé bien douillet. Discutant tous deux dans la salle commune des rouges et ors qui étaient inhabituellement vide. Faut dire qu’il y avait cours en ce moment aussi.
Malheureusement, leur moment paisible de complicité fut interrompu assez vite par l’entrée en scène surprenante et inattendue de nouveaux arrivants. Ils déglutirent en voyant en première ligne les directeurs de leurs maisons respectives. Garrett bondit sur ses pieds et leva les mains en l’air comme s’il était menacé par un quelconque flingue. « Je vous jure, c’est pas nous qui avons fait exploser les toilettes de Mimi ! », s’exclama le petit Garrett devant l’air effaré de son meilleur ami, et le froncement de sourcils surpris des professeurs. « Oups. Vous n’étiez pas au courant. » Il aperçut du coin de l’œil le Serpentard grogner, et se frapper le front, désespéré.

On se dandine sur place. On joue nerveusement avec les pans de notre chemise froissée. On regarde par terre comme si de nos pieds étaient les choses les plus intéressantes au monde. Ce qui l’est certainement à ce moment précis. On n’ose pas lever les yeux. Ne pas lever les yeux de peur de croiser les siens… Froids… Durs… Et cruels. Et on attend les mots qui font mal… Les mots qui indiquent le début de la guerre… Les mots qui brisent sadiquement ce calme avant la tempête, et qui font office d’élément déclencheur… Les mots qui tombent tels une sentence. Et on appréhende ce moment… On souhaite que ce moment n’arrive jamais… Que ce moment reste loin de nous à jamais. Et dans un même temps, on a envie que ce moment soit déjà passé… Parti… Au large… À l’horizon. La peur oubliée. Seuls restent les souvenirs… Les souvenirs que l’on trouve comiques… Aujourd’hui… En y repensant. Et on attend. Et on appréhende. Et on a peur. Et on y est. Les mots détruisent le silence, comme ils cassent notre cœur, comme ils brisent notre dernier brin de détermination encore existant. On a l’impression de passer devant un tribunal… Un tribunal dont le juge vient de nous annoncer la décision ultime de l’assemblée ici réunie. Et on a peur. Et on est nerveux. Tellement que l’on commence nous-mêmes à douter de notre propre innocence. Et on arbore un air résigné. On clame une fausse culpabilité pour que ce moment soit le plus vite possible qu’un souvenir. Et on est sage. Et on répond à ces mots blessants. « Oui papa… »

On veut partir en courant… S’enfuir… Crier… Hurler… Pleurer… S’écrouler… Allongé… Sur les fesses… À genoux… Prier Dieu. Parce qu’on a peur… Parce qu’il nous fait peur… Parce que c’est la personne que l’on craint le plus au monde alors qu’il est censé nous protéger. On sent l’angoisse nous paralyser… Nous brouiller la réflexion… Nous embrumer le cerveau… Nous enserrer la gorge… Nous étouffer… Nous faire peiner pour prendre quelques bouffées d’air. La personne debout, en face de nous, semble de glace… Inanimée… Une statue… De pierre… Et elle ne reprend vie que pour croître ton désespoir… Pour briser ce silence pire que la mort lui-même… Pour prononcer ces mots que l’on craint tant et que l’on attend en même temps. « Tu me fais honte, Garrett. » Soumis… Angoissé… Peureux… Et lâche. On va dans son sens. « Oui papa… Je sais. » Et on attend. Une seconde fois… Une nouvelle fois… On passe notre vie à attendre… Oui… Voilà… C’est ce à quoi se résume notre vie du haut de nos seize ans : attendre. Donc une fois de plus, on attend… On attend que la foudre ait l’amabilité de nous frapper une seconde et ultime fois… Le plus vite possible… Pour que l’on souffre moins… Ou qu’au mieux elle veuille bien nous épargner. Mais notre goutte d’espoir est futile. Et on le sait. On sent le menaçant cumulonimbus gronder au dessus de notre tête. Et on sait qu’il ne sera pas clément… Qu’il prendra sa revanche sur notre rébellion… Notre rébellion pour la liberté… La liberté pour le bonheur… Le bonheur pour la vie.

Il plane… Il surveille… Il rôde… Il a faim… Faim de notre douleur… Faim de nos larmes… Faim de notre chair… Faim de notre sang... Il nous veut… Il veut que notre âme lui appartienne… Et on ne peut pas lui réchapper… On n’a pas envie de lui résister… On est comme aspiré par cette aura redoutable et autoritaire. Et il donne le coup de grâce. « Tu me fait honte, Garrett. Tu fais honte à toute la famille. Sois fier de porter le nom des Moriarty. » On sent des larmes silencieuses et traitresses couler le long de nos joues douces et blafardes. Et on croit apercevoir un rictus victorieux, satisfait, sur ce visage cruel qui ressemble à ce moment-là très fortement à un détraqueur. On prend notre courage à deux mains et on se lance. « Oui papa… Je sais. Je te prie de bien vouloir me pardonner. » Le bruit d’un vase brisé… Les bouts de verre qui s’éparpillent sur le sol tels un champ de mines… Nos larmes qui coulent maintenant à flots… Que l’on essaye désespérément, craintif, mais en vain, de retenir on nous mordant la lèvre inférieure jusqu’au sang. Il nous fixe… Il nous paralyse… Il nous pétrifie… Il nous ensorcèle. On veut pourvoir se jeter sur lui. On veut pouvoir crier… Crier notre rage… Notre désespoir. Clamer notre indépendance… Notre liberté… Notre identité… Que l’on n’est pas seulement un nom de famille… Que l’on est une personne unique… À part entière. Mais lui, lui, il ne veut pas. Et, malheureusement, on est sous son emprise. Le sort se brise… L’enchantement s’évapore lorsqu’il reprend la parole… Lorsqu’il parle pour une seconde fois… Lorsqu’il daigne élever sa belle voix d’aristocrate pour nous… Une nouvelle fois. Mais on est toujours trop abasourdi pour réagir vivement. « Tu le sais ? Tu le sais ?! Pourquoi n’es-tu pas aussi parfait que ton grand frère, alors, Garrett ? Dis-moi ce que j’ai raté dans ton éducation. Dis-moi ! » Un mouvement attire notre regard. On lève les yeux dans sa direction. Et on voit le fameux grand frère observant placidement la scène du haut des escaliers. On tourne la tête vers la fenêtre. La fenêtre… La seule chose lumineuse encore dans ce manoir… La seule chose qui veuille bien éclairer Garrett. On a déjà le regard lointain… Perdu. Les pensées voguant dorénavant au large sur un océan de nuages imaginaire. Et on sourit. On soupire tel un fou, un abruti, heureux. Parce que tout cela est bien trop ironique… Trop comique… Le monde se joue de lui, et il ne s’en rend même pas compte. Et sous ses yeux étonnés, on rit. On pleure de joie… Et on ne peut s’empêcher de penser. « La vie est là. »

Il leva la tête de son parchemin et sourit tendrement, presque amoureusement, à Ewart qui le fixait avec un haussement de sourcil et une mine adorablement boudeuse. Il rit de con cœur et se replongea dans ses devoirs, plus concentré que jamais. Il est vrai que cette année il devait passer ses ASPICs – et que cette fois son père n’était plus présent pour lui mettre la pression pour avoir des optimales dans toutes les matières – mais il comptait malgré cela bien profiter du château et de ses merveilles, comme il l’avait toujours si bien fait jusque là. Ayant fait perdre plein de points à sa maison – tellement qu’il avait été plusieurs fois victimes d’assassinat – mais s’était aussi très bien rattrapé pendant les matchs de Quidditch en tant que batteur. Et autant dire qu’il était redoutable. Il savait très bien comment frapper dans un cognard ! Enfin bref. Il ne lui restait plus que quelques mois à Poudlard, avec des examens à n’en plus finir au bout, et il devait se décider quoi faire, à présent. Surtout que maintenant il était bien libre de faire ce qu’il voulait. Qu’il faisait, travaillait, étudiait pour lui et non son père ou sa famille. Il avait été bel et bien renié par son paternel. Le merveilleux destin qui lui était promis dès sa naissance rayé de sa vie pour toujours. Mais malgré tout ce qu’on lui avait craché à la gueule, les souffrance qu’il avait endurées, il portait plus ou moins sa famille dans son cœur. Il avait été éduqué comme un Moriarty, et en était donc un de fait. Et si jamais on lui posait la question, il bombait le torse et montrait sa fierté de cette caractéristique. C’était juste cette demande permanente de perfection qu’il n’avait pas pu supporter. Pourquoi son génie ne pouvait-il pas suffire ? Et quand bien même s’il avait été une personne tout à fait normale, avec un QI dans la moyenne ? Ce qui n’était pas le cas, mais bon. Okay. Il devait aussi avouer qu’il avait mis son intelligence au service de ses côtés rebelle et je-veux-être-différent-des-autres. Mais cela restait malgré tout du génie, non ? Il ignora délibérément le regard intense de son ami toujours posé sur lui. C’est vrai que cela semblait quelque peu surréaliste que Garrett bosse. Mais entre nous, pas beaucoup plus que Mustard squattant quasiment vingt-quatre heures sur vingt-quatre la salle comme des rouges et ors. Il se gratta la racine de son cuir chevelu au niveau de la nuque, s’ébouriffa les cheveux déjà pas mal en bataille, et laissa tomber sa face lourdement sur la table. Il n’arrivait à rien avec son ami qui le regardait de cette manière. Il grogna et releva la tête dans sa direction, et posa, presque jeta, sa plume sur son plan de travail. Qui était très désordonné en ce moment avec des livres, des cahiers, de l’encre partout sur le joli bois. Il fronça une seconde les sourcils en se demandant quand et comment il avait pu foutre un tel bordel. Et Ewart qui n’avait rien dit jusque là et qui s’était contenté de le fixer. D’une manière très agaçante, il se devait de préciser. « Quoi ? » « Je vais reprendre Honeyduke. » Garrett haussa les sourcils, et s’installa encore plus loin dans sa chaise, prenant une position quelque peu vautrée. Il le regarda ensuite, un petit sourire au coin, et d’un air… d’autoroute. « Et qu’est-ce que ça peut me faire que tu veuilles devenir obèse ? » Son interlocuteur ne répondit pas à la provocation, il se contenta de jouer distraitement avec la plume que le Gryffondor venait lâchement d’abandonner. Ce n’était pas comme s’il n’était pas habitué à ses pics permanents. « Il y a une place qui vient de se libérer à Zonko. » « Et ? » Ewart soupira et laissa tomber la plume sur le bureau. Garrett suivit du regard, impassible, le mouvement, la plume s’écraser contre le bois dur. Il croisa les bras sur sa poitrine, et sourit discrètement. Il savait qu’il le faisait chier, qu’il l’obligeait à dire quelque chose qu’il avait déjà compris. Mais si on ne pouvait plus s’amuser, où allait le monde ? « T’es chiant. Je veux que tu prennes ce poste. » Il prit alors une posture plus détendue et rit légèrement. « Tu veux et tu exiges ? » Il haussa un sourcil, très entendu. « Qui te dit que je vais t’écouter ? » Cette fois-ci, se fut au tour d’Ewart de se laisser aller. Il abandonna son expression froide et placide au bout d’une dizaine de secondes pour lui présenter un sourire carnassier. Il savait pertinemment tous les deux qu’il allait faire ce qu’il lui demandait. Déjà parce qu’il n’avait pas le cœur à le lui refuser, et aussi parce que c’était une idée tout à fait brillante et que c’était ce qu’il lui fallait. De plus, s’il acceptait un rôle à Zonko, le magasin serait probablement très bientôt sien. Garrett répondit à son sourire et lui adressa un clin d’œil quasiment imperceptible avant de se remettre au travail.

Sa tête lui lançait. Il avait la sale impression d’avoir bu comme un trou la veille. Cependant, il n’avait pas souvenir d’avoir touché à un quelconque verre d’alcool. En fait, il ne pouvait pas se rappeler de quoique ce soit. Peut-être qu’une de ses conquêtes l’avait drogué pour pouvoir mieux profiter de lui ? Bien que cela vous semble probablement très tordu, ce ne serait pas la première fois. Mais était-ce une femme ou un homme ? C’était encore plus embarrassant s’il ne pouvait même plus se rappeler de ce détail. Qui n’était pas tellement un détail, en fait. Il n’avait pas mal aux fesses, ce qui était déjà un point. Cela voulait dire qu’il ne s’était pas fait pénétrer. Ce qui n’empêchait toujours par le fait que cela pouvait être un mec. Il prit son courage à deux mains et ouvrit les yeux. Mais alors qu’il s’attendait à être étendu dans son grand lit de soie blanc, et à être agressé par une lumière aveuglante, ainsi qu’une gueule de bois terrible, la véritable situation dans laquelle il se trouvait l’étonna encore plus. La pièce était affreusement sombre. Il était menotté à un barreau d’un lit qui lui était totalement inconnu et très inconfortable. Qui donc n’était définitivement pas le sien. Il leva sa main libre à son crâne, et il y sentit une agglutination de sang séché. La mémoire lui en revint d’un coup. Il était dans son laboratoire entrain de fabriquer une nouvelle farce quand des aurors et des sorciers de la brigade des accidents magiques – s’il ne dit pas de conneries – avaient débarqués chez lui, et l’avaient assommé avant qu’il ait eu le temps de dire fizwizbiz. À ce moment-là, ses mêmes tortionnaires ouvrirent sa cellule – il en avait conclu qu’il était dans une sorte de prison – et libérèrent de ce bracelet douloureux. Il se frotta le poignet rougi. « Je ne sais pas ce que j’ai encore fait, mais je suis certain qu’il n’était pas nécessaire d’utiliser la manière forte moldue. » Il fronça les sourcils, la mine sérieux et l’air de réfléchir intensément. Il se tourna vers un de ses tyrans. « Vous aurais-je voler votre femme ? »
Il tomba lourdement sur une chaise au milieu du tribunal. The tribunal. Il comprit instantanément qu’il était au Ministère de la Magie et il se mordit la langue pour s’empêcher de faire un quelconque commentaire à la Garrett, qui serait forcément très mal accueilli. Il jeta un coup d’œil discret et très attentif autour de lui. Il ne savait toujours pas ce qu’il avait branlé pour se retrouver ici, mais apparemment, vu leurs mines graves et leurs expression renfermées, c’était on ne peut plus sérieux. « Garrett Joshua Moriarty. » « Oui, c’est moi. Présent ! » Il sourit, arborant son expression mi-innocente mi-provocatrice. Mais cette fois, il ne reçut aucun gloussement, que des froncements de sourcils et des toussotements. Le juge s’éclaircit la gorge, ignora sa remarque et reprit, maître de soi. « Fils de Nathanaël et Gabrielle Moriarty. Une relation tendue avec son frère ainé. Renié à l’âge de seize ans. Déception de sa famille alors qu’il entre dans la maison des Gryffondors et de son travail chez Zonko. Très proche de son neveu Maüse et sa nièce Zig. Jamais marié et… » « Ouais ouais. Si vous voulez une biographie, je peux très bien vous en écrire une. Pourquoi suis-je ici ? » « …et meilleur ami de Ewart Thomilius Mustard. » Garrett avait fait la grimace à l’entente de sa vie. Ce n’était pas qu’il avait honte. Il ne niait aucun fait. Mais c’était personnel, intime. Et cela faisait très mal à se souvenir. Mais son cœur rata réellement un battement en entendant le nom de son ami. Qu’est-ce que tous ces gens lui voulaient ? La manière dont il l’avait prononcé signifiait bien que toute cette mise en scène avait un rapport avec lui. Mais quoi donc ? Il serra les dents et gronda d’une voix sourde et rauque. « Que lui voulez-vous ? » Le juge abandonna son air placide, et joignit ses mains devant lui, avec un rictus méchant sur la gueule. « Ne faîtes pas l’innocent, monsieur Moriarty. Nous savons pertinemment que vous êtes complice de Ewart Mustard. » Il écarquilla les yeux, ne comprenant absolument pas de quoi il était entrain de parler. Bordel… Mais qu’est-ce que con avait il encore plus bien foutre ? « Il a envoyé des bonbons ensorcelés aux moldus, leur accordant des pouvoirs magiques. Et nous savons que vous étiez au courant. » Garrett se prit littéralement une baffe dans la gueule. Le con. Non. Il n’avait pas pu le faire.

« Et de neuf ! » s’écrièrent les clients du bar lorsque Ewart et Garrett vidèrent leur neuvième shooter de tequila, léchèrent le sel sur leur main et croquèrent dans un quartier de citron. Ils grimacèrent sentant l’acidité se répandre dans leur corps, se mélangeant à tout cet alcool, et se regardèrent en explosant de rire. L’ex Gryffondor se tint les côtes, n’en pouvant plus de rire, et regarda passivement son ami tomber au ralenti de son tabouret se retrouver par terre. Son rire redoubla d’intensité, et il descendit sur ses pieds dans l’intension de l’aider, mais il se mit lui-même à tanguer, et trois personnes, dont le barman qu’ils connaissaient bien, accoururent pour venir à leur secours. Ils furent rapidement déposés chez Garrett, qui n’habitait pas très loin. Ce bar était un endroit où tous deux se retrouvaient très souvent, se plaignant du fait que les sangs purs n’étaient pas aussi bien reconnus qu’avant, qu’ils en avaient marre qu’on leur foute sur la gueule. Mais aussi pour se rappeler du bon vieux temps. Le temps où ils pouvaient faire les cons à Poudlard, faire tout ce qu’ils voulaient, ayant pour seuls conséquences une bonne punition et des points en moins à leurs maisons. Ils s’écroulèrent sur le lit de Moriarty, qui était assez grand pour une bonne orgie, et Ewart s’installa confortablement, la tête sur son torse. Leurs rires finirent pas vite se calmer, laissant enfin place à un silence seulement brisé par leurs respirations profondes et sifflantes. Un peu hésitant, il entoura les épaules de son ami de ses bras, caressant discrètement le haut de son dos. « Cela fait bien longtemps que je n’ai pas autant bu. Demain on va sûrement avoir une gueule de bois d’enfer. » En réponse, l’ex vert et argent gloussa légèrement. « Ouais. Et c’est sûrement la pire des solutions que l’on a trouvée pour tenir contre toutes ces moqueries que l’on reçoit. » Pensif, Garrett hocha la tête. « Ce serait marrant que les moldus se retrouvent avec des pouvoirs, tout d’un coup. Juste pour voir la tête que tout le monde ferait ! » Il rit à son idée qu’il trouvait plus qu’absurde, et ne se rendit pas compte que Ewart n’avait pas répondu. Qu’il avait froncé les sourcils très sérieux, réfléchissant à l’idée saugrenue. Le sommeil le prit rapidement, et il ne se posa plus de questions par rapport à ce fait là.

Garrett secoua sa tête vivement, essayant de se débarrasser de ce souvenir. Même s’il était occlumen, il ne voulait pas risquer qu’un legilimen essaye de rentrer dans sa grosse tête remplie de tout et n’importe quoi. Alors voilà. C’était donc cela. Le con… Le con. Le con. Le con. Bordel quoi ! Il aurait pu le prévenir. L’attendre. Comme cela, au moins, ils auraient été deux dans la merde. Là, il ne pouvait même pas l’aider. Il ne pouvait que se la fermer. Et cela le frustrait énormément. Il serra les dents, en colère. Contre Ewart, contre ces gens qui ne comprenaient rien à rien, et contre lui. Lui qui n’était un incapable. Incapable de le protéger. Putain… Quel bordel. « Et qu’attendez-vous de moi au juste ? » Le juge grimaça, d’un sourire victorieux, sadique. Et il repoussa au loin cette envie, cette pulsion de lui foutre son poing dans la gueule. « Je veux que vous coopériez. Que vous me disiez tout ce que vous savez. » « Et si je refuse ? » Moriarty, comme toute personne de sa famille qui se respecte, était borné. Extrêmement têtu. Il était aussi connu pour son flegme phénoménal, et son je-m’en-foutisme très particulier. Mais quand cela concernait ses proches, il faisait tout pour les protéger. Il les faisait passer avant lui. Bien qu’il ne l’avouerait jamais et qu’il avançait toujours le contraire. Il était vrai que sa personnalité arrogante et égoïste était très imposante, mais il avait notamment un cœur, un cœur qu’il préférait cacher pour ne pas être blessé. « Et bien, si vous refusez, j’ai un dossier sur vous pour pouvoir vous mettre derrière les barreaux. Vous êtes plutôt violent, vous savez, monsieur Moriarty. » Celui-ci grimaça de dégoût. L’enfoiré… Il savait très bien de ce qu’il voulait parler. Et même s’il avait pris l’habitude de tout assumer, ce fait, il n’en était pas très fier.

En tant que digne propriétaire du célèbre magasin de farces et attrapes, il présentait ses nouvelles inventions à un tas de gamins qui s’extasiaient à l’intérieur de sa boutique. Il avait un sourire étendu jusqu’aux oreilles, et se sentait on ne peut plus béat. C’était réellement un pur bonheur de pouvoir rendre autant de gens heureux à partir de presque rien. Quelque chose explosa à sa droite, et certaines filles crièrent de surprises, d’un hurlement strident. Il tourna la tête lentement dans leur direction et sourit lentement quand elles explosèrent de rire, une fois la peur passée. Puis la cloche indiqua un nouvel arrivant, et il leva la tête. Il sourit, séducteur, quand il s’aperçut que c’était une magnifique femelle de son âge. Il s’appuya sur le comptoir, et lui lança. « Je peux vous aider, ma jolie ? » Elle répondit à son sourire, rentrant apparemment dans son jeu de flirt. « Tout à fait, Garry. On pourrait parler à l’étage peut-être ? » Et n’attendant même pas sa réponse, elle monta les escaliers, dans un déhancher d’enfer. Garrett expira bruyamment le souffle qu’il retenait, et n’attendit pas qu’on lui demande une deuxième fois pour la suivre. Elle s’approcha dangereusement vers lui, et le tira par un bout de son tee-shirt. La chose qui s’en suivit est censurée, et pas assez catholique pour pouvoir être citée. La jolie femme, dont il ne connaissait même pas le nom, reposait sa tête sur son torse en jouant ses poils très virils. « Alors dis-moi, il paraît que tu as un frère. » Il fronça les sourcils à l’entente de sa famille. Que cela avait-il à foutre tout d’un coup dans un moment pareil ? Et puis en quoi cela l’intéressait-elle ? « Ouais. Mais je ne crois pas que cela te concerne, beauté. » « Tu ne t’entends pas avec lui. Ni avec ta famille, d’ailleurs. » Garrett eut une sorte de sursaut. Tout cela ne sentait pas bon. Ce n’était même pas des questions qu’elle lui posait, mais bien des affirmations. Il se redressa. « Pour qui travailles-tu ? » Elle sourit, et s’éloigna de lui. « Et bien, tu es beaucoup plus intelligent que je ne le pensais, même si on m’avait prévenu à ce sujet. » Il lui attrapa un peu trop violemment le poignet, la retenant près d’elle, l’empêchant de s’enfuir. « Je réitère ma question. Pour qui travailles-tu ? » Elle soupira, essaya fébrilement d’échapper à sa poigne, en vain. « Ton frère m’a envoyé ici. Il voulait trouver des choses compromettantes pour t’empêcher de voir ses enfants. » Tout d’un coup, sans prévenir, il vit rouge. Maüse et Zig étaient tout pour lui, et en aucun cas il avait droit de les lui enlever. Même si officiellement il n’était peur leur père, c’était tout comme. Dans un rugissement de rage, il se jeta à sa gorge et commença à serrer frénétiquement. Elle émettait des gémissements de désespoir, mais ils n’arrivaient pas jusqu’au cerveau de Garrett. Et s’il ne put pas la tuer, c’est grâce à l’arrivée inattendue d’un ami qui le retint à temps. Il s’écroula contre le mur, dans un coin de la pièce, se passant une main dans ses cheveux en sueur. « Merde… Merde… »

« T’es vraiment qu’un abruti, Ewart. » Garrett balança une deuxième bouteille de whisky par dessus son épaule. N’ayant aucune preuve contre lui, il avait été bien sûr relâché. Mais cela n’indiquait pas qu’il n’allait pas à avoir des ennuis. Non… Et il savait que la vie ne serait plus jamais la même. Déjà parce qu’il serait mis en place une certaine surveillance à Poudlard, sur lui et ses agissements – oui il avait lu les notes de son frère qui travaillait au Ministère de la Magie, même s’il n’avait pas eu le droit. Et puis parce que Ewart ne serait plus jamais là. Le con. L’abruti. L’enfoiré. Il était parti, comme cela, sans dire un mot. Sans même laisser une note. Et qu’est-ce qu’il allait devenir lui maintenant ? Et c’était pour cette raison, ainsi que pour sa mémoire qu’il buvait comme un trou. Il avait la sale impression qu’il ne le reverrait plus jamais, et à chaque fois qu’il y pensait, son cœur lui faisait mal. Il se serrait et il laissait passer un sanglot douloureux. Quel con. Quel abruti. Quel enfoiré. Qu’allait-il faire maintenant ? Il savait bien que la vie continuait malgré tout. Qu’il fallait avancer. Mais soyons honnêtes, il n’en avait pas le cœur. En tout cas, pas maintenant. Il avait bien trop de choix à faire. Et Dieu savait combien les humains en général n’aimaient pas prendre de décision. Non. Le Zonko, il allait le garder. Parce que même si cela lui rappelait douloureusement son meilleur ami, il ne pouvait pas lui faire l’offense de le délaisser. Surtout que cette affaire, c’était celle de sa vie. Il ne se voyait pas faire quelque chose d’autre. Il grogna en commençant à entamer une troisième bouteille. Et voilà que maintenant il se mettait à douter de ses sentiments pour lui. Garrett Moriarty, le tombeur, le séducteur. L’homme qui avait toujours réussi à éviter l’amour jusqu’à maintenant, découvrait qu’il était peut-être amoureux de son meilleur ami depuis toujours. Quelle ironie. Il avait envie de lui foutre son poing dans la gueule, et l’embrassait en même temps. « Je te déteste, abruti. »