Correspondance
« Abyssum abyssus invocat ». L'abîme appelle l'abîme. Certains y entendent « catastrophe, catastrophe » ; moi, les glaçons qui s'entrechoquent dans les verres avant de venir crisser sous la dent. Tu es la nuit d'hiver. Dire froide serait monstrueusement pléonastique. Je dirai donc propre à l oubli, à l'abysse. Car tous ces petits cubes de glace ont le bruit de mon coeur qui s'arrête.
Anonyme
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Soeurette adorée,
J'ai eu une grande révélation. Si tu es la vipère abjecte, sans coeur, égoïste et méprisable que tous connaissent, ce n'est pas ta faute. Morgane la fay était une créature vile et méprisable, le type même de la femme à problème. Maman s'est fourvoyée en te baptisant ainsi (même si elle avait les meilleures intentions du monde : rendre grâce à nos ancêtres celtes). Toutefois, il est vrai qu'elle n'est peut être pas tout à fait innocente dans le fait que nous avons des difficultés à partager la même planète. Merlin et Morgan. Ah ! La belle billevesée. Elle a fait de nous les faces antagonistes d'une même pièce absurde. Rêvait-elle d'un fratricide ? Certainement. Ma foi, à notre naissance, c'était presque chose faite. Tu as essayé de m'étrangler avec ton cordon ombilical.
Ps : maman essaie-t-elle encore de soigner ta maladie avec des plantes ?
Pps : tu as intérêt à ramener ton cul pour noël. Je ne supporterai pas la vieille une année de plus. Si tu possèdes encore une once de morale chrétienne, prend moi en pitié et évite un meurtre.
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Mademoiselle Stormhold fait preuve d'indéniables capacités cognitives. Il lui est fortement recommandé d'arrêter d'en user pour piéger la table des pouffsouffle.
Minerva Macgonagall – Directrice Adjointe
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Mon très cher frère,
C'est avec la plus grande joie que j'ai reçu ta missive. Je crains de devoir décliner ton invitation au repas de noël. Tu sais à quel point j'ai l'estomac fragile et je crains d'être indisposée par la cuisine de mère – et par votre présence à tous les deux. La dernière fois que j'ai franchi le seuil de la maison (mes doigts rechignent à écrire ce mot en parlant de l'horrible habitation où nous avons été élevés ), j'ai dû passer une semaine à Sainte Mangouste pour empoisonnement à la Belladone. Mère va bien. J'ai juste été dans l'obligation de prétexter une démence sénile pour qu'il ne la colle pas en prison. Merlin (pas toi – celui qui a réussi à aller au delà de ses BUSES) c'était grotesque . Je répond ainsi à tes questions (enfin si l'on considère que la mort est une forme de « guérison »). Pour ta dernière et très subtile (je te signale ici l'ironie, on ne sait jamais ce que ton esprit étriqué pourrait interpréter) remarque, je te demanderai de cesser de remettre l'épisode du cordon sur le tapis. D'autant qu'à l'époque, j'avais autant conscience du monde qu'une huître à marée basse ! (Si c'était à refaire, bien entendu, je le referai avec plaisir – quoiqu'avec une corde, c'est moins chargé symboliquement – regarde les séries moldues, c'est très enrichissant).
Avec tout mon amour fraternel
Morgan.
Le choixpeau et ses conséquences
SERDAIGLE !
La gamine eut une mou dégoûtée. Elle s'était toujours jugée suffisamment rusée pour intégrer serpentard. Elle n'était pas profondément mauvaise de nature. Il fallait être un demeuré complet pour croire que tous les gosses qui souhaitaient rentrer dans la noble maison des verts et argents étaient des mages noirs en puissance. Demeuré ou gryffondor. Morgan les avait certainement détestés dès le premier coup d'oeil. Une bande de têtes brûlées qui avaient l'air d'avoir laissé leur cerveau aux vestiaires. Elle n'était pas non plus raciste. Sang de Bourbe, Sang -Mêlé, Sang-Pur, rien ne la laissait plus indifférente que ces considérations. Sa mère venait d'une vieille famille au sang souillé par une erreur de jugement une génération plus tôt. Est ce que cela faisait d'elle une sorcière de moindre qualité ? Sûrement pas.
« Tu es ambitieuse et fière, mais tu ne juges qu'à l'aulne de la connaissance. Ta place est donc à SERDAIGLE. »
Ainsi avait jugé le choixpeau. Et comme quatre cerveaux valent mieux qu'un, la jeune fille avait suivi son conseil sans rechigner. Elle avait étudié des heures durant, oubliant par là un paramètre essentiel : la vie sociale. Elle n'en avait pas oublié pour autant son frère qui avait été envoyé dans la maison des/du blaireaux et qu'elle n'avait de cesse de tourmenter. C'est peut être ce qui le décida de quitter l'école, une fois ses BUSES en poche.
Ayant participé à la bataille de Poudlard, il serait peut être intéressant de mentionner ses interactions avec le Balafré. Tout le monde pense que partager le château avec Potter devait être exceptionnel. Morgan le trouvait insipide et pleurnichard (même si elle ne niait pas l'incidence de son histoire tragique sur son insupportable caractère). Ce qui hérissait peut-être le plus la demoiselle, c'était les discours du vieux chnoque à chaque fin d'année sur la bravoure du prétendu "sauveur de l'humanité". Répugnant. Granger était, quant à elle, bien plus intéressante. Ce fut avec un soupir un brin mélodrame qu'elle apprit qu'elle s'était entiché de cette grosse quiche de rouquin. L'intervention des mangemorts lors de sa septième année la troublèrent un peu. Elle n'appréciait pas franchement la pédagogie dite du coup de chaise prodigué par les jumeaux de sinistres mémoires et ne goûtait guère au fait de vivre sous la domination de quelque être que ce soit. C'est sûrement pour cela qu'elle était restée assise. Les yeux fixes. Se demandant si elle allait voir le soleil se coucher. Certains se vantent des prétendus exploits de ce jour là. Pas Morgan. Quand elle y repense, elle se souvient juste de la peur de mourir et qu'ils formaient tous une bande de gamins apeurés qu'on envoyait à la boucherie.Plus tard, elle lira ces lignes de Erich Maria Remarque : "Quand nous partons, nous ne sommes que de vulgaires soldats, maussades ou de bonne humeur et, quand nous arrivons dans la zone où commence le front, nous sommes devenus des hommes-bêtes". Et elle se souviendra de l'odeur du sang, du bois qui brûle et du corps sous elle. Elle ne savait pas qui il était. Il était juste jeune et beau. Il n'avait pas plus envie qu'elle de mourir. "Si nous ne les anéantissons pas, ce sont eux qui nous anéantirons". Et elle l'avait achevé. Elle ne connaissait pas de sortilège suffisamment puissant et elle devait l'abattre. Elle était devenu un animal dangereux. Elle n'attaquait pas, elle luttait contre la destruction. Ce n'était plus un humain mais bien la mort. Elle était là et elle les traquait. On la retrouva sous une table, couverte de sang, presque morte pour certain, gardant pendant des mois sur sa peau d'opale les stries rouges du sort qu'on lui avait lancé. Il n'eut pas de héros lors de la bataille de Poudlard, juste de pauvres victimes qui auraient mieux fait de ne pas écouter leurs aînés.
Elle partit faire ses études à l'université puis voyagea beaucoup notamment dans les pays nordiques, en collaboration étroite avec les langues de plomb. Une proposition de Poudlard pour un poste de professeur en étude des runes lui fut faite et elle l'accepta afin de prendre une retraite bien méritée.
La fameuse affaire Fizwizbiz ? De connaissance humaine et même extraterrestre, on n'a jamais vu quelqu'un autant en rire. Elle faillit d'ailleurs connaître une fin tragique en s'étouffant avec son toast. De fait, elle déteste la politique, les sportifs sur les boîtes de céréales et surtout les petites mesquineries. Enfin de quoi rabattre le caquet à toute la diligencia qui sous prétexte d'étude des moldus, les sous estiment et les étudient comme des primates. Elle regrette un peu la future disparition des séries télévisées. Pour ce qui est de ses élèves, elle suit la doxa de Rowena : qui en a la capacité la suive et pour cela le sang n'a jamais fait la différence.